Cuba Sí 202 – traductions

Cuba Sí 202 – traductions

 LA TORNADE DU 27 JANVIER 2019 DÉTRUIT PLUSIEURS QUARTIERS DE LA HAVANE

Mars 2019

Ce qui avait été annoncé comme une tempête tropicale c’est révélé une tornade, qui a détruit plusieurs quartiers de La Havane. Imprévisible pour deux raisons. En premier lieu il y a 80 ans qu’une tornade avait frappé La Havane, et deuxièmement la tempête ne c’est transformée en tornade qu’arrivée sur terre, au=dessus de La Havane. La formation de la tornade était vraiment imprévisible.

Une telle tornade de force F4=F5 signifie un vent destructeur sur quelques centaines de mètres de largeur, qui avance à 40 km par heure, avec des tourbillons internes qui peuvent dépasser les 300 km par heure. Ce qui explique les camions renversés, les voitures lancées contre les murs, les toits en béton arrachés des maisons, les morts et les blessés.

La tornade c’est formée sur terre, dans la zone du Cerro à La Havane. La piste des destructions traverse essentiellement les quartiers de Diez de Octubre, San Miguel del Padron, Regla et Guanabacoa. Près de 8.000 maisons ont été endommagées, dont 730 totalement démolies et près de 1.000 partiellement. 80 bâtiments publics ont été frappés, dont des écoles. Il y a beaucoup de blessés, plus de 190, dont 11 grièvement, et 7 morts. le bilan est lourd. Mais la solidarité et l’aide immédiate étaient là.  Le jour après le passage de la tornade pas loin de 5.000 personnes ont été évacuées de leurs maisons. 4.780 ont pu loger chez de la famille et 164 ont été hébergés dans des centres d’accueil.

La coupure de l’électricité dans une partie de la capitale était déjà solutionnée le lundi matin. Dans certains quartiers ce fut le cas le mercredi, et là où les destructions étaient les plus fortes il a fallu 5 jours. La distribution d’eau est tributaire de pompes électriques en plusieurs endroits, mais dès le premier jour une distribution gratuite d’eau potable, par les services de secours, était organisée. Tout cela est très rapide si on le compare à ce qui c’est passé aux États-Unis après l’ouragan Katrina en Nouvelle Orléans, ou à Puerto Rico où le rétablissement de l’électricité à nécessité des mois.

Cuba dispose d’une défense civile très performante, et est très prévoyant pour les budgets où des postes sont prévus pour des catastrophes, même si ceci ne suffira pas pour la totalité des réparations.

Les commémorations du 500e anniversaire de la fondation de La Havane ne sont pas menacées.

La solidarité internationale est intervenue aussi. La Bolivie a envoyé 1.000 matelas et du matériel pour les toits, et le Venezuela a envoyé du matériel lourd pour creuser et reconstruire, ainsi que des camions, du matériel électrique, etc..

Pour les gens qui ne peuvent pas payer immédiatement les frais de réparation de leur maison l’état accorde des prêts bons marchés, sur un long terme, ce qui les rend supportables. Pour l’achat des matériaux de construction des baisses de prix de 50% sont prévues. Pour ceux qui n’ont pas de moyens, même pour un prêt, l’état prendra les frais en charge. Des brigades de construction de l’état donnent un coup de main. Ainsi chacun pourra retrouver une maison.

Regi Rotty

DES TÉMOIGNAGES.

Le dimanche 27 janvier un bruit assourdissant nous a surpris. Nous pensions d’abord à un camion, ou même un avion. Suivit comme un coup de canon, et le courant fut coupé. Il s’agissait d’une tornade. Ce n’est que le lendemain que la réalité des dégâts est apparue. Un bilan de trois morts et 180 blessés, dont trois succomberaient plus tard.

Ici, à Santo Suarez, nous en étions quitte pour la peur, mais à 150 mètres d’ici le ravage est énorme.

Des câbles électrique et téléphoniques arrachés, des toits en zinc envolés à des kilomètres, des réservoirs d’eau entraînés, des arbres déracinés qui ont abîmé des maisons, des voitures détruites.

L’horreur!! Et la situation semblait encore pire dans des quartiers comme Luyano et Regla. Jeudi nous avons, péniblement, réussi de nous rendre à Regla. On avait l’impression que des bombardements avaient eu lieu. Des maisons entièrement détruites, des écoles effondrées, un hôpital avait été évacué. Beaucoup de gens ont tout perdu. Les familles et les centres d’accueil se chargent du logement. Les services de secours étaient immédiatement sur place et les dégâts étaient évalués individuellement.

Jour et nuit des camions circulaient pour dégager les rues. Des brigades d’autres provinces apportaient des secours et de l’aide. Le chaos était grand, mais les les gens ont immédiatement reçu de l’eau potable et des vivres. Après une semaine tout le monde dispose à nouveau d’électricité, d’eau potable et du téléphone. Mais la reconstruction prendra des mois, toute aide est la bienvenue ici.

Anne-Marie Helon

de Santo Suarez

Le 27 janvier nous nous promenions à La Havane lorsque, dans une boutique, le personnel nous annonça qu’il devait rentrer à la maison dès 16 h., pour ne pas être surpris par la tempête annoncée. Une grosse tempête, comme il y en a régulièrement. Mais on ne parlait pas de tornade. Mon épouse et moi avons continué notre promenade, et vers 20 h. nous sommes encore allés boire un verre, tout en surveillant le ciel menaçant, mais toujours sans pluie.

Puis une légère pluie a commencé et nous sommes retournés à la casa particular où nous louions un appartement au cinquième étage d’une bâtisse des années cinquante, dans la vieille Havane. Toujours rien de spécial, et vers 22 h. nous allons nous coucher. Olga prenait une douche et j’étais déjà au lit quand c’est arrivé. Avec un bruit sec la porte est ouverte violemment, un coup de vent traverse la chambre, et la fenêtre est ouverte brutalement. Dans le living, les vitres ont cédé sous la pression du vent. Je n’avais pas l’impression que quelque chose de menaçant se présentait. Je me suis levé et j’allais filmer les rideaux soufflés horizontalement par la fenêtre. Une forte pluie martelait l’asphalte dans les rues.

Maintenant tout le monde était alarmé, et on faisait des tentatives pour comater la fenêtre du living, avec du carton et de l’adhésif, sous la lumière des GSM, car l’électricité manquait. Cela me faisait un peu rire, cette agitation dans l’obscurité, et le carton qui ne servait à rien. Une belle flaque se formait sur le sol, car l’eau rentrait par la fenêtre et par l’air conditionné dans le mur. Nettoyer était vain. Je savais que les propriétaires aimeraient échanger leur appartement contre une maison avec une piscine, et je faisais des blagues, disant qu’ils avaient enfin leur piscine, et même au cinquième étage, quel luxe! En règle générale les Cubains ont un grand sens de l’humour, et tout le monde rigolait.

Presque toute la nuit le vent a continué à hurler, et la pluie à frapper. Olga ne savait pas dormir. En se levant pour aller aux toilettes elle avait oublié que le sol était trempé, et à moitié endormie les pieds dans l’eau froide ça surprend.

Vers 5 heures du matin le courant était rétabli. Et après quelques heures de sommeil la situation dans l’appartement s’améliorait. Le verre était ramassé et l’eau épongée. Nous ne savions pas qu’à 8 km. de là une catastrophe avait frappé durement. En regardant la télévision nous avons vu que ce que nous avions vécu n’était rien comparé aux morts, aux blessés et aux maisons dévastées dans d’autres quartiers de La Havane.

                                                                                                                                      Regi Rotty

(Région / Flandre Occidental)

UN CONTENEUR POUR LES VICTIMES DE LA TORNADE A LA HAVANE

Mars 2018

Le samedi 30 mars un conteneur sera chargé à Courtrai, destination La Havane. Au départ il était prévu comme dernier de la série pour clôturer les travaux de la Brigade Carlos Habré avec un envoi de meubles. Le Bond Moyson de Flandre Orientale renouvelle ses bureaux, y compris les armoires, et nous avait demandé si nous pouvions les utiliser. Les meubles auraient été très utiles dans le home Mario Muñoz à Santiago de Cuba.

Mais le passage de la tornade par Centro Habana et les quartiers 10 de Octubre, Guanabacoa et Regla nous a convaincu d’envoyer le conteneur à La Havane. L’aide y est prioritaire car des centaines de maisons ont été détruites ou sont inhabitables.

Nous avons pu nous concerter avec le Vice-Président de la province de La Havane, à l’ambassade, Luis Carlos Góngora, qui nous a exposé la situation et communiqué les plus grands besoins.

Sur place les actions spontanées de déblayage par des volontaires se mettaient en route. L’état procurerait une nouvelle habitation, le plus rapidement possible, pour les familles touchées,, pas nécessairement dans les mêmes quartiers, mais dans de nouvelles constructions ailleurs en ville.

Il y a surtout un besoin de matériaux de construction, dont l’état se charge. Ce qu’il faut pour ceux qui ont tout perdu : des vêtements, des meubles, de la vaisselle. Les 50 armoires seront certainement utiles, et les bureaux peuvent servir de table. Nous avons déjà récolté pas mal de vêtements, utiles aussi pour combler les vides dans le conteneur. On nous a également proposé un équipement complet de dentiste, une offre impossible à refuser.

C’est donc la mobilisation complète pour charger, au Bond Moyson, President Kennedypark, 2 à Courtrai, le 30/03/2019 à partir de 9 heures.

Vous avez des vêtements, de la vaisselle, des petits meubles? Venez les déposer, avec la liste du don (pour les formulaires de douane).

Si vous disposez d’une camionnette les 29 ou 30 mars, prévenez nous également.

Marc Wuytack

Régionale de Gand

(Cuba in de wereld)

LES RELATIONS CUBA – ÉTATS-UNIS : L’OFFENSIVE TRUMP.

Mars 2018

Les événements au Venezuela sont la meilleure expression de la réintroduction de la doctrine Monroe et de l’offensive de Trump contre toute affirmation d’indépendance, de souveraineté, de politique progressiste, voir de socialisme.

Le 18 février 2019, lors d’un discours de 30 minutes, Trump a craché sa bile sans frein, avec un message clair et concret : la « Troïka du mal » (leVenezuela, le Nicaragua et Cuba) doit être rayé de la carte du monde. Un discours hystérique, avec des affirmations offensives et grossières contre tout ce qui ressemble de près ou de loin au progressisme en Amérique Latine. En 30 minutes il a cité 29 fois le socialisme et 6 fois le communisme, comme les ennemis les plus importants des États-Unis. Il a répété les postions extrémistes de Rubio et Bolton, et n’a pas exclu une intervention militaire.

Après le Venezuela, le Nicaragua et Cuba sont les cibles prioritaires : « La fin du socialisme est arrivée dans notre continent et partout dans le monde. Pas seulement au Venezuela, mais aussi au Nicaragua et à Cuba ». Les mouvements de la flotte US et l’encerclement militaire du Venezuela confirment incontestablement les intentions agressives. Nous sommes loin des tweets impulsifs et imprévisibles, mais face à des menaces réelles et évidentes. Des paroles jusqu’à aujourd’hui, à quand les actes?

Les agressions contre Cuba.

Le 10 décembre 2018 les États-Unis ont totalement supprimé les bureaux de l’ USCIS (Service pour la citoyenneté et l’immigration) à La Havane,, pour les transférer à Mexico. Déjà depuis l’automne 2017 la majorité des services pour l’obtention de visas avaient été supprimés, suite aux restrictions de personnel, après la campagne calomnieuse des soi-disant « attaques acoustiques ».

Dans son intervention au parlement (22/12/2018) le président Miguel Díaz-Canel a souligné que le gouvernement nord-américain cherchait clairement une confrontation avec Cuba, avec le renforcement du blocus économique, commercial et financier comme fer de lance.

En janvier (11/01/2019) Robert Menéndez (démocrate) et Marco Rubio (républicain) ont proposé de réintroduire le programme « Parole » pour les travailleurs de la santé cubains à l’étranger. Ce programme, destiné a tenter de convaincre les médecins cubains de passer aux USA, avait été appliqué de 2006 à 2017, puis suspendu par Obama. Bolsonaro, au Brésil, à déjà appliqué des méthodes similaires (voir notre dernier numéro de Cuba Sí).

Le Titre III de la Loi Helms-Burton.

Le 16 janvier le Département d’État des États-Unis a annoncé de ne suspendre l’application du Titre III de la Loi Helms-Burton que pour 45 jours, afin d’étudier le titre à fond. Ce titre, suite à un rejet international, était suspendu de semestre en semestre. Depuis 1996 tous les présidents nord-américains, y compris Trump en 2017 et 2018, ont suspendu l’application. Le revirement est expliqué par une révision « dans le cadre des intérêts nationaux des États-Unis, des efforts pour accélérer le passage à la démocratie à Cuba, vu la répression brutale des droits de l’homme et des libertés fondamentales par le régime, et le soutien impardonnable aux régimes de plus en plus autoritaires et corrompus du Venezuela et du Nicaragua ».

La Loi Helms-Burton comporte quatre titres, en contradiction avec le droit international, avec les règles du commerce international et des relations économiques internationales, et une infraction contre la souveraineté d’autres états (à cause de l’application contre des entreprises et des personnes). La communauté internationale c’est prononcée quasi unanimement contre cette loi, et plusieurs pays disposent de législations nationales pour se protéger contre les aspects extra-territoriaux de la Loi Helms-Burton. Le Titre III permets aux citoyens nord-américains d’entamer des procédures devant des juridictions nord-américaines, contre chaque étranger qui fait du commerce avec des biens US ou des propriétés nationalisées à Cuba dans les années ’60. A l’époque, celles-ci avaient été entreprises par le gouvernement cubain dans le respect intégral du droit national et international.

Les autorités cubaines ont condamné fermement les intentions de renforcer le blocus.

Et ensuite.

Quelques jours après cette décision (19/01) Radio Martí, l’émetteur de propagande nord-américain, a appelé de voter non au référendum sur la nouvelle constitution à Cuba. Une intervention flagrante dans les affaires internes de Cuba, renforcé sur les pages Facebook fictives dans le pays.

Fin janvier les États-Unis annoncent envisager de reprendre Cuba sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme. Cuba avait été mis sur cette liste de 1982 à 2015, quand Obama avait décidé de le retirer de la liste.

En février (07/02) Bolsonaro annonce arrêter officiellement le programme « Más medicos », et abandonne à leur sort les médecins cubains qui ont décidé de rester au Brésil (entre autre suite à des mariages locaux), sans possibilités de travailler. 836 médecins sur 7.635 avaient opté de rester au Brésil. Le 12 février le MINSAP (Ministère de la santé publique) de Cuba a communiqué que les médecins ayant opté de rester au Brésil pouvaient rentrer à Cuba s’ils le désiraient, avec la garantie de recevoir une offre d’emploi dans le système de santé cubain.

Toujours en février, les déclarations et les agressions directes contre le Venezuela et la « Troïka du mal » (Venezuela, Nicaragua et Cuba) se multiplient, entre autres par Marco Rubio, John Bolton, Mike Pompeo, Elliot Abrams, Mike Pence, Donald Trump, et leurs laquais Bolsonaro, président du Brésil, et Luis Almargo, la marionnette US à la tête de l’ Organisation des États Américains. Ainsi Mike Pompeo, secrétaire d’état nord-américain, a encore attaqué Cuba en déclarant que le référendum sur la constitution avait été organisé pour détourner l’attention de son échec au Venezuela.  Bruno Rodríguez, ministre cubain des affaires étrangères, a déclaré à ce sujet :  » Le secrétaire d’état des États-Unis oublie que son pays n’a jamais tenu un référendum, mais intervient dans tous les pays du monde.  Également dans les élections chez les autres ».

La timide « normalisation » des relations entre Cuba et les États-Unis, entamée par Barack Obama, est clairement en régression. Mais malgré le ton agressif, sans se faire la moindre illusion, Cuba continue à plaider pour un dialogue dans le respect mutuel et sans intervention dans les affaires internes des parties.

Freddy Tack

(Mens en maatschappij)

LE BIEN-ÊTRE A CUBA : UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE.

Mars 2018

Les efforts actuels à Cuba pour renforcer la base économique du pays, ont aussi une influence sur la gestion du bien-être à Cuba. Durant plus de cinquante ans on a choisi l’idéal d’une égalité sociale. Où se trouvent les défis aujourd’hui? La docteure Angela I. Peña Farias a effectué une étude à ce sujet.

Dans tous les pays le bien-être social de la population est le résultat d’un ensemble, entre l’accès au travail et un revenu, le soutien de la famille et des réseaux sociaux, et les services sociaux de l’autorité. Dans nos sociétés occidentales le bien-être social dépend essentiellement de l’emploi, et est donc soumis aux fluctuations du marché du travail, complété d’une régulation stricte par l’autorité. Dans des pays moins solides économiquement, la famille est souvent un soutien social important, et c’était aussi le cas à Cuba avant la révolution de 1959. Un nombre limité de travailleurs des secteurs privés et étatique étaient affiliés à plus de 50 caisses de pensions, financées par les contributions des employeurs et des travailleurs.

Après 1959 l’autorité a développé une vision plus intégrale : la sécurité sociale signifie une amélioration des conditions de vie et du bien-être matériel, l’égalité, et de relations basées plus sur les relations sociales et solidaires. L’accès à la sécurité sociale ne peut plus dépendre du revenu ou des contributions à la sécurité sociale. Une des premières mesures fût alors de supprimer les contributions des travailleurs aux fonds de pension (1963). Le but de l’autorité était d’offrir à tous les citoyens un travail décent, soit un taux emploi à 100%. En 1975, sur base de l’insistance du syndicat (CTC), l’autorité a reconnu le droit à un soutien financier pour tous ceux qui sont en incapacité de travailler. Pas à pas on a alors établi, dans les années suivantes, des systèmes de sécurité sociale pour les personnes handicapées, les malades,, les personnes vulnérables. L’autorité s’estimait le principal garant du bien-être social de tous les citoyens : l’état assure un revenu, l’enseignement, les soins de santé, les prix subsidiées de nourriture, ,un revenu de remplacement pourt ceux qui ne peuvent pas travailler. Les avantages sociaux sont accessibles à tous les citoyens, que l’on ai du travail ou non, un bon revenu ou non. Même si la famille a traditionnellement toujours joué un rôle, elle était considérée comme complémentaire à l’état.

Avec la disparition du bloc socialiste Cuba plonge dans une grave crise économique dans les années ’90. Et pour la première fois le système social est sous pression. L’autorité tient à sa vision intégrale du bien-être social, mais des modifications formelles et informelles surgissent. Lors d’une session spéciale le parlement cubain décide d’assainir les finances publiques. La réintroduction d’une cotisation pour la sécurité sociale par les travailleurs est acceptée en principe, mais vu les circonstances difficiles le parlement ne pouvait que se concilier avec une application progressive. La situation économique difficile a ouvert la porte au travail indépendant pour son propre compte. Les indépendants ont alors mis au travail des collaborateurs. Cette pratique n’était pas régulée légalement, et les indépendants et leurs travailleurs se trouvaient en fait hors sécurité sociale, et perdaient leurs droits pour un revenu de remplacement en cas de maladie, invalidité ou pension. La gestion sociale du gouvernement ne changeait pas en tant que tel, mais la situation changeait. De facto l’autorité perdait la responsabilité pour une partie, certes minime, de la population. Un glissement c’est produit, et l’obtention de nourriture suffisante et de biens de base, auparavant assurée par l’autorité, allait plus dépendre du travail et des revenus (le marché du travail), et de la portée matérielle et sociale de la famille.

La crise économique mondiale de 2007-2008 a aussi frappé Cuba, car le pays est fort dépendant des importations. La croissance économique stagnait. L’autorité devait de plus en plus faire face au défi de renforcer l’économie nationale et d’accroître son efficacité, afin de garantir durablement les acquis sociaux. L’autorité a fait son auto-critique en admettant avoir mené une gestion presque paternaliste en se chargeant de toutes les responsabilités. Comme les caisses de l’état ne peuvent plus faire face seules aux frais, des adaptations sont nécessaires, mais sans abandonner les acquis de la révolution comme le haut degré de scolarisation des jeunes grâce à l’enseignement gratuit, l’espérance de vie élevée et les bas chiffres de mortalité infantile grâce aux soins de santé, etc. Les services sociaux sont invités à travailler plus efficacement, et les citoyens reçoivent un message : « Les soins de santé sont gratuits pour vous, mais ont un coût (pour l’autorité) ». Avec le slogan « Nadie se queda desamparado » (personne n’est abandonné), le Parti Communiste de Cuba a lancé une large consultation parmi la population. Ceci a mené à l’approbation d’une nouvelle gestion économique et sociale : il faut augmenter les revenus des exportations et les importations doivent diminuer en produisant au niveau national des marchandises se substituant aux importations, la productivité nationale doit augmenter, les secteurs sociaux doivent être organisés efficacement et à moindre coût, il faut rationaliser les entreprises d’état et les services publics et licencier les forces de travail excédentaires.

En 2011 la nouvelle loi sur le travail entre en vigueur et doit donner une nouvelle dynamique au marché du travail. Le slogan « le salaire selon le travail » défie les travailleurs à assurer leur avenir. Des adaptations salariales et des bonus liés à la production améliorent le pouvoir d’achat et stimulent les travailleurs pour une productivité accrue. L’autorité abandonne le principe de l’emploi à 100%, et cherche des solutions pour plus d’un million de travailleurs excédentaires dans les entreprises publiques et l’administration. Les Cubains sont encouragés à se mettre au travail pour leur propre compte. En à peine cinq ans le nombre d’indépendants passe de 228.000 en 2010 à plus d’un demi million en 2015. Une nouvelle loi de 2012 élargit la refonte des impôts, et plusieurs groupes professionnels sont soumis au paiements d’impôts. Il s’agit de ceux qui gagnent un salaire élevé à l’état (plus de 2.500 pesos ou 100€à, les paysans indépendants, les propriétaires de maisons, etc. La quote-part des impôts personnels est ainsi passée de 1% à 6% en 2015. Mais les plus gros financiers du budget de l’état restent les entreprises publiques avec 75%.

Conséquence : le citoyen travailleur et sa famille portent plus qu’auparavant une responsabilité pour leur propre bien-être social, qui devient ainsi de plus en plus dépendant du salaire personnel, d’une aide éventuelle de la famille à l’étranger, de la base sociale et économique de sa famille. En ce qui concerne le financement du système social, Cuba évolue graduellement d’un système organisé et financé centralement par l’état, vers une responsabilité partagée.

Indirectement aussi la famille apporte plus à son propre bien-être. L’autorité voudrait quitter la gestion de prix subsidiés pour la nourriture et les biens de consommation, un avantage dont profitent tous les Cubains, pour concentrer sa gestion sociale vers les groupes les plus vulnérables. Sur les marchés libres locaux les prix des aliments sont maintenant fixés sur base de l’offre et de la demande. Cette évolution ne s’est pas fait sans grognements contre les prix plus élevés. L’état est alors intervenu et alimente les marchés de l’état avec des produits de base subsidiés. La libretta reste en service provisoirement et chaque Cubain reçoit encore toujours un paquet de base en alimentation (huile, riz, haricots, viande, etc.) à des prix très bas.

Cette évolution va de pair avec quelques défis importants. Il y a tout d’abord le vieillissement de la population, c qui entraîne des frais plus élevés pour la santé et les soins. Parallèlement Cuba, comme les sociétés occidentales, connaît une natalité très basse, et un groupe de population active  réduit doit supporter un groupe de non)actifs croissant. Comment payer les pensions? n’est pas une question importante qu’en Belgique. Ainsi, il y a cinq ans, l’âge de la pension a été porté à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes.

Les évolutions récentes, commencées en fait dès les années ’90, ont suscité de plus grandes différences sociales parmi la population. L’autorité admet que pour le moment l’économie nationale est trop faible pour augmenter fortement le pouvoir d’achat des travailleurs du secteur public. Celui qui, par contre, dispose de revenus en devises fortes via le tourisme ou via sa famille à l’étranger vit confortablement à Cuba, car ce groupe profite aussi des avantages sociaux comme l’enseignement et les soins de santé gratuits. Un autre facteur qui joue, c’est que tout le monde ne s’adapte pas aussi facilement à ce nouvel ordre économique, et le risque que certains ratent le coche s’accroît. Ce qui exige de l’état d’être plus attentif aux groupes vulnérables.

Le professeur Reynaldo Jimenez, directeur de FLACSO-CU et récemment en Belgique, invité par la Haute École Charlemagne, est d’avis que Cuba « reste une société solidaire ». Il voit des opportunités dans ce que nous appellerions la responsabilité sociale des entreprises. Des coopératives agricoles fournissent traditionnellement une partie de leur récolte aux hôpitaux et aux écoles de leur région. Dans le même esprit de solidarité il doit être possible d’encourager les coopératives non-agricoles et les indépendants de fournir gratuitement leurs services aux plus faibles. Ceci n’est pas utopique. Dans son quartier Reynaldo connaît un coiffeur indépendant qui coiffe gratuitement des personnes âgées isolées. Il forme aussi des jeunes pour le métier, afin qu’ils puissent se lancer comme indépendants. Un autre exemple est celui d’un salon de lavage, géré par une coopérative, gratuite pour les personnes vulnérables. Et il y a d’autres exemples, et Reynaldo soutien des initiatives de formation à partir de l’université, pour encourager cette forme de solidarité.

Les défis existant sont fondamentaux pour Cuba conclut la Dra. Angela I. Peña Farias. Est-ce que les différences sociales croissantes sont la fin de la société solidaire ou égalitaire? Y a-t-il un danger que la société s’habitue aux inégalités et à la pauvreté, et les considère comme « naturelles »? Ceci représenterait un coup dur pour le projet humaniste de la révolution! Beaucoup dépendra de la réussite des autorités dans le projet d’augmenter la base économique du pays.

Source : Dra. Angela I. Peña Farias. Regímenes de bienestar en Cuba. Notas para discusión en Cuba en el contexto de América Latina y el Caribe. FLACSO-CU, 2017.& Interview de Reynaldo Jimenez, Anvers, 2018.

Wim Leysens

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