Cuba Sí 210 – traductions

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LES  MÉDECINS  CUBAINS  MÉRITENT  LE  PRIX  NOBEL, MAIS  LE  RECEVRONT – ILS ?

Du monde entier des membres des parlements nominent les brigades médicales internationales cubaines, du Contingent Henry Reeve, pour l’octroi du Prix Nobel de la Paix. 23 parlementaires Belges ont également signé la nomination. Parmi eux le député Flamand Kurt De Loor (sp-a). « Lors d’ouragans, d’inondations, de tremblements de terre, d’incendies et lors de pandémies mondiales, Cuba envoie ses médecins pour offrir de l’aide. Pas mal pour un pays « en voie de développement », non ? Ils méritent le Prix Nobel, mais s’ils vont le recevoir est une autre paire de manches ».

Dans le monde entier des travailleurs de la santé ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour lutter contre le coronavirus. Souvent dans des conditions particulièrement difficiles et pénibles. Vague après vague. Souvent sans perspectives et mettant leur vie en danger. Souvent sans reconnaissance.

Injustement, car se sont les héros du 21e siècle et ils méritent le respect.

Peu de gens savent que Cuba envoie de équipes médicales dans le monde entier depuis près de 60 ans. Lors d’ouragans, d’inondations, d’incendies et de catastrophes Cuba envoie ses fils et ses filles : la Brigade Médicale Internationale Henry Reeve. Également dès le début de la crise du coronavirus, une équipe de près de 50 travailleurs de la médecine se sont rendus, entre autres, en Italie, pour lutter contre le Covid-19. On ne lit ou n’entend que peu à ce sujet dans la;presse occidentale, mais Cuba  a déjà envoyé ses équipes dans plus de 160 pays de par le passé. Ils ont combattu l’ Ébola en Afrique, l’ouragan Stan au Guatemala, des inondations en Bolivie, des tremblements de terre en Indonésie, le tsunami au Sri Lanka, pour ne citer que quelques exemples. Et même s’ils le font sur base de motifs humanitaires, une reconnaissance internationale est nécessaire. Cela peut paraître étrange qu’un petit pays pauvre, une île des Caraïbes, envoie de équipes médicales vers des lieux de catastrophes dans le monde entier, y compris des pays capitalistes, mais cela c’est fait fréquemment durant les 60 dernières années.

Ce n’est pas un hasard que la Lombardie (Italie) a demandé l’aide, durant cette pandémie mondiale, des travailleurs de la santé cubains (médecins et personnel soignant). La Brigade Henry Reeve n’en est plus à sa période d’essai. L’équipe médicale a été créée en 2005, en réaction à l’ouragan Katrina qui avait frappé la Nouvelle Orléans (États-Unis). Depuis lors sa mission est d’apporter de l’aide dans la lutte contre des catastrophes et et les épidémies. L’équipe est composée essentiellement de volontaires, formés pour la lutte lors de catastrophes et la limitation de maladies contagieuses. En un minimum de temps ils sont prêts pour offrir de l’aide n’importe où dans le monde. Depuis la création de la brigade en 2005 près de quatre millions de personnes ont été assistées dans 45 pays différents. Citez moi un pays occidental qui peut présenter un tel bilan ? 

Depuis le début de la pandémie du coronavirus la Henry Reeve est au travail dans 20 pays pour aider dans la lutte contre cette crise sanitaire. Donc pas seulement en Italie. Mais aussi à Andorre, en Angola, en Haïti, au Honduras, en Jamaïque, au Mexique, au Nicaragua, au Qatar, en Afrique du Sud et au Venezuela. Tout cela alors que Cuba aussi est confronté à la pandémie. Mais Cuba est mieux préparé que d’autres pays, grâce à son système de santé publique bien structuré. Basé sur l’internationalisme, la solidarité et l’humanisme, et soutenu par son système de santé publique très élaboré, Cuba offre une aide médicale partout dans le monde. D’autre part, dans les universités cubaines, on forme des médecins et des travailleurs de la santé du monde entier. Des jeunes viennent de plus de cent pays pour suivre des études de médecine, une formation qu’ils n’auraient jamais pu payer dans leur pays d’origine.

De la solidarité, dans le monde entier. Sauf du côté du grand voisin, les États-Unis : depuis plus de soixante ans Cuba socialiste est soumis à un blocus économique et financier par les USA. Ce blocus à un grand impact sur la vie du Cubain. Certainement maintenant : l’aide médicale nécessaire n’a souvent pas accès au pays. Ainsi, par exemple, une grande fourniture de masques sanitaires, de kits pour des tests rapides et du matériel de protection n’a pu atteindre Cuba. La raison ? L’entreprise de transport, une entreprise nord-américaine, a renoncé au dernier moment à sa mission, car les lois du blocus l’empêchent d’exécuter la livraison à Cuba. Sous Trump le blocus a encore été renforcé. La désignation comme président de Biden donne un peu d’espoir : aura-t-il le courage de lever le blocus après soixante ans ?

Cuba est un pays en voie de développement, mais un pays avec une solidarité inconnue pour le monde entier. Norma Goicochea Estenoz, l’ambassadrice cubaine en Belgique, l’a exprimé ainsi : « Cuba ne donne pas ce qu’il a de trop, mais partage ce qu’il a. Il est temps que le monde l’apprécie à sa valeur. Il n’y pas de meilleure façon de lancer un signal au tout frais président des USA Joe Biden pour changer le cours et de jeter à la poubelle le blocus de Cuba. »

D’où ma plaidoirie et mon soutien à la nomination de la Brigade Médicale internationale cubaine Henry Reeve pour le Prix Nobel de la Paix 2021. Nous pouvons ainsi contribuer -et je reprend ici les paroles du président cubain Miguel Díaz-Canel « pour dire halte à l’égoïsme, à l’individualisme et au manque de solidarité ».

                                                                                                                          Kurt De Loor.

UN  DÉBAT  AU  SEIN  DE  LA  RÉVOLUTION  ET POUR  LA  RÉVOLUTION.

Des leçons des événements du 27 novembre 2020.

                                                                                                                          Wim Leysens

L’arrestation du rappeur Solís fût le prétexte d’une réunion de quelque centaines de musiciens et d’artistes devant le Ministère de la Culture. Les événements ont suscité beaucoup d’intérêt dans la presse nationale et surtout internationale. Rafael Hernández, directeur de la revue cubaine TEMAS, a parlé avec les intéressés. Ce qui suit est un résumé de ses constatations.

« Trump est mon présidant », criait Denis Solís à la police quand ils sont venus l’interroger. Solís est membre du groupe d’opposition Mouvement San Isidro – MSI. Il ne cache pas ses opinions anti-gouvernement dans les textes de ses chansons et n’a pas peur des provocations. Lors d’un spectacle il s’est assis sur un WC habillé du drapeau national. Assez pour que les services de sécurité le surveillent. Le 9 novembre ’20 un échange de paroles violent avec des policiers a lieu, où il éructe des insultes homophobes. Deux jours plus tard il est condamné à huit mois de prison pour diffamation. Quelques jours plus tard une quinzaine de personnes entament une grève de la faim, dans le local du MSI dans la vieille Havane, en protestation contre son arrestation.

Qu’est-ce qui a motivé de jeunes artistes à se rendre au Ministère de la Culture et demander un entretien avec le ministre ? Étaient-ils tous sympathisants du MSI ? Rafael Hernández reconstruit les faits.

Que se cache-t-il derrière les événements du 27 novembre 2020 ?

La première photo de la délégation d’artistes qui a négocié avec le Ministère de la Culture montre 24 personnes, dont aucune n’est membre du MSI ou d’un autre canal d’opposition. La délégation finale comprend 30 participants, la nommée G30. Deux seulement ont un profil clair d’opposant, liés au MSI ou à INSTAR (Instituto Internacional de Artivismo Hannah Arendt).  Les autres travaillent ou ont des liens avec des institutions reconnues comme l’ UNEAC (Écrivains et artistes) ou l’ ICAIC (film), ou ont leur propre galerie. Ils ne se sont jamais identifiés à l’opposition radicale. Les cinéastes Fernando Pérez et Jorge Perugorria ont fait office de conciliateurs.

Les événements du 27 novembre 2020.

Après avoir attendu un demi jour sur le trottoir, la délégation est reçue à 9 heures du soir par le vice-ministre de la Culture. C’est la représentante du MSI qui dépose l’agenda :

1 une révision du procès contre le rappeur Denis Solís.

2 la libération de l’artiste plastique Luís Manuel Otero Alcántara

3 le droit à la libre opinion et expression.

4 l’arrêt de l’image négative dans les médias officiels.

5 reconnaissance et respect des opinions indépendantes.

6 pas de violences policières,, pas de médisance politique.

Pour info : Alcántara, également un opposant notoire et condamné pour un attentat au cocktail Molotov, a été arrêté le 26 novembre, deux jours après son retour des États-Unis. Contre les mesures sanitaires coronavirus, il avait rompu les règles de quarantaine et avait rejoint un groupe de membres du MSI qui exigeait lalibération de Solís.

La négociation avec le ministère a duré près de cinq heures, jusqu’au coeur de la nuit. Selon le canal d’opposition Cubanet (qui opère à partir de la Floride) surtout les représentants de MSI et de INSTAR ont pris la parole. Il n’est donc pas étonnant que l’attention se fixait sur les points qui les intéressent le plus (1, 2 et 5). Moins d’intérêt était donné  à la liberté de création artistique ou des revendications dirigées aux institutions culturelles officielles. (3 et 6)

Fernando Rojas, le vice-ministre, voulait garder la communication ouverte durant tout le temps. Il promettait de regarder la situation de Solís et de Alcántara. Ce dernier fut libéré après quelques heures. Le vice-ministre se déclarait d’accord pour établir un agenda de travail avec tous les secteurs artistiques, de revoir l’exclusion de MSI de la liste des projets artistiques, et de momentanément ne plus mettre sous un jour négatif les centres culturels indépendants. Et finalement on promettait une rencontre entre le groupe de 30 et le Ministre de la Culture.

Et après ?

Les événements ont rattrapé les rendez-vous.

Le G30 c’est réuni les jours suivants pour préparer le dialogue avec le Ministre. Mais rapidement les contradictions internes ont vu le jour. Les discussions entre radicaux et modérés se sont envenimées. Les radicaux voulaient que Luís Manuel Otero Alcántara, à peine libéré, et d’autres membres du MSI intègrent la délégation. Le MSI prend position au nom de l’ensemble du G30, mais sans l’accord de tous, dans un mail au Ministère avec de nouvelles revendications. Ils exigent la présence du président Díaz-Canel et du Ministre de l’Intérieur. Ces nouvelles exigences étaient inacceptables pour le Ministère de la Culture et la réunion prévue est annulée. En signe d’ouverture le ministère voulait maintenir l’ouverture, en invitant les représentants du G30 n’ayant pas de liens avec le MSI ou d’autres canaux d’opposition à poursuivre le dialogue.

EN contradiction avec le passé, la presse officielle attache beaucoup d’importance à la grève de la faim du MSI. Les liens et le financement par les États-Unis sont exposés dans de longs articles, ainsi que la stratégie plus large qui intègre ces actions dans une vue plus large pour déstabiliser le pays. Mais ce n’est pas le cas pour la rencontre, le 27 novembre, d’un groupe d’artistes avec le Ministère de la Culture. Les médias de l’opposition, nationale et étrangère, eurent ainsi l’opportunité de diffuser dans le monde leur version des faits et des photos. Pourtant c’était du jamais vu que le ministère c’était mis à table avec une délégation dont faisait partie des figures de l’opposition. Le ministère avait reconnu la délégation du G30 dans soin ensemble et était disposé à valider les accords. Mais après le mail du MSI, négocier avec des organisations financées à partir de l’étranger, une référence au MSI, étaient exclues. Des témoignages au sujet des conversations internes au G30 et après le 27 novembre confirment que le soutien de l’étranger était un thème de fortes discussions.

Plusieurs membres ont déclaré qu’ils s’opposaient à l’agenda du MSI, mais disposés à défendre les droits repris dans la Constitution.

Comme nous l’avions dit la presse officielle ignorait ces artistes modérés, bien au contraire. Elle se demandait ce qui motivait ces jeunes gens à se déclarer solidaires de l’affaire Solís.

Le Tángana  au Parc Trillo. Deux jours plus tard, le 29 novembre, un rassemblement de centaines de jeunes de gauche a lieu au Parc Trillo. Ils se dénomment « tángana », un nom qui fait référence à des protestations estudiantines des années ’20et ’30 du siècle dernier. Ils veulent clairement prendre position au sujet des problèmes des artistes et sur d’autres thèmes. Durant toute l’après-midi on discute des problèmes du socialisme, mais clairement d’un pont de vue critique de gauche. Plusieurs intervenants analysent des thèmes comme : l’inégalité croissante, les pratiques racistes dans les services publics, le manque d’accents féministes, anti-homophobes, écologistes et démocratiques dans la gestion. La Révolution et ses organisations ont besoin de plus de démocratie, clamait le Parc Trillo.

Ces voix de gauche dans la communauté cubaine n’ont pas du tout été mentionnées dans la presse étrangère ou les milieux de l’opposition, prouvant ainsi leur parti pris. Mais la presse officielle également maintient le silence à leur sujet… sauf après des signaux venus du sommet que ce n’étaient pas des « mercenaires de l’ennemi ». Après la prise de parole de plusieurs intervenants, le président Díaz-Canel apparaît soudain au sein de jeunes. Il exprime sa foi dans les jeunes et prévient que des attaques contre la Révolution vont se poursuivre. Il ajoute que le dialogue doit se maintenir au sein du socialisme et en fonction de la révolution.

Les actions du MSI s’intègrent dans la stratégie du coup d’état doux.

Il est évident que les États-Unis ne laissent passer aucune occasion pour miner la révolution cubaine. Lors du départ de Cuba du dernier chargé d’affaires des États-Unis, en juillet 2020, Mara Tekash, porte-parole du gouvernement US, félicitait l’homme pour « ses efforts de faire entendre la voix des dissidents et de leur donner une aide logistique » (source : Radio et Télévision Martí, financés par les USA à partir de la Floride). Son successeur Timothy Zúñiga-Brown est sur la même ligne et est venu soutenir personnellement les activistes du MSI, en novembre’20, afin de les encourager. Cette visite s’intègre dans un cadre plus large de prise de contact avec des entrepreneurs, de jeunes académiciens, des journalistes, des indépendants. Le but n’est plus, comme ce le fût dans le passé, de susciter des actes terroristes, mais politique : renforcer les voix dissidentes, afin de défier l’autorité et l’inciter à intervenir avec de la répression, ce qui devrait susciter de nouveau des protestation populaires. La stratégie du « coup d’état doux ». Dans une première phase on ouvre un débat sur les réseaux sociaux sur des thèmes qui appellent à peu de résistance, comme la libre expression des artistes, les droits des LGTB+, les droits des animaux, dans l’espoir de conquérir une sympathie sociale plus large. Dans une deuxième phase des actions, comme celles du MSI pour la libération de Solís, doivent transformer la sympathie conquise en une attaque directe de l’ordre établi.

Considérations finales :

Depuis les années ’90 des expressions comme « contre la révolution » font partie du langage courant. Mais déjà, lors du Congrès du PCC en 2012, Raúl Castro soulignait : « simplement oser se dire ouvertement la vérité, de diverger d’opinions et de discuter, même au sujet de ce que disent les supérieurs, est un droit qui ne peut être refusé à personne. Le dialogue avec la population est ce qui fait du parti le parti du pays ». « Nous devons être capables de stimuler plus de démocratie dans notre société ».

Une tradition de dialogue qu’il faut à chaque fois raviver.

La nouvelle Constitution stipule dans son article 56 que l’ état reconnaît le droit de réunion, de manifestation et d’association si les objectifs sont légaux et pacifiques. Surtout dans les milieux artistiques est né les dix dernières années une culture de débat ouvert. Au théâtre on aborde régulièrement des thèmes sociaux. Ils ont trouvé une façon pour amener l’autorité à débattre de leurs positions. Fin 2018 il y a eu beaucoup d’agitation à propos du décret 349. Le but du décret est d’abolir les scènes racistes, sexistes, discriminantes et vulgaires, ainsi que l’usage de ce langage dans des prestations publiques. Mais la réaction a été très négative dans les milieux artistiques. On craignait qu’une application trop rigoureuse mènerait à une limitation de la liberté artistique. Le Ministère de la Culture a pris au sérieux cette agitation et a tenu des dizaines de réunions avec des centaines d’artistes et écrivains. L’autorité a promis de n’appliquer la loi que progressivement et, dans les faits, l’élaboration des arrêtés d’application est gelée.

Au départ les protestations n’étaient pas dirigées contre le gouvernement.

Au départ les événements du 27 novembre n’avaient aucun caractère anti-gouvernemental. C’était une réaction contre une intervention policière arbitraire, qui pouvait peut-être les toucher demain, contre la censure dont ils se sont libérés en faveur de la liberté d’expression. Ce jour là il y avait un espace pour la discussion et la concertation.

Mais débattre et dialoguer n’est pas toujours évident dans la pratique. La démarche de la délégation du G30 le 27 novembre 2020 était plus revendicative que ouverte. Un appel au dialogue ne se fait pas, de préférence, avec des exigences. Il faut y ajouter qu’il n’y avait pas de consensus au sein de cette délégation, ce qui a mené à l’absence d’une déclaration-programme cohérente. La voix de ceux qui ont une grande gueule a pris le devant, surtout avec l’attention que leur accordent les milieux de l’opposition.

Les États-Unis manipulent chaque occasion.

Les USA ont toujours soutenu les groupes dissidents. Il n’est donc pas surprenant que beaucoup de Cubains ressentent ces groupes comme une opposition illégale et comme des mercenaires payés par et au service des États-Unis. La visite du Chargé d’affaires US aux activistes du MSI confirme que les États-Unis estiment le temps venu de défier ouvertement le gouvernement cubain. Car celui-ci ne se trouve-t-il pas dans une position vulnérable ? Pensez à la situation économique difficile, les adaptations monétaire complexes, l’inégalité croissante, la pandémie du coronavirus, la chute du tourisme etc.

Une perspective contre-révolutionnaire.

Dans les circonstances actuelles complexes, le gouvernement risque de passer dans la résistance. Il est un fait que les opposants du MSI profitent de chaque opportunité pour faire pression sur le gouvernement. Ceci ne veut pas dire qu’il faut considérer chaque voix divergente pour ennemie. En mettant tous les déviations dans le même sac, la possibilité de discerner les faits disparaît aussi. Une interprétation trop simple des faits et la réaction de rejet qui en découle risque de mener à une escalade dans le conflit. La seule partie qui peut alors offrir un chemin de sortie est l’autorité elle-même.

Les institutions officielles et la presse ne sont pas encore sur la ligne de la nouvelle normalité décrétée par Raúl Castro.

Mais l’appareil de l’autorité et la presse officielle ne sont pas encore sur la ligne de la nouvelle normalité, comme Raúl Castro a nommé en 2012 la nécessité d’une culture du débat. Díaz-Canel a déjà encouragé ses ministres a donner une explication claire des textes. Mais les dirigeants politiques ont encore du chemin à parcourir vers un dialogue permanent avec la population. La consultation menée sur la nouvelle Constitution de 2019 en est pourtant un bel exemple. Gouverner c’est poursuivre un consensus. Voilà pourquoi les réactions de rejet des autorités sont contre-productives, car elles brisent le consensus au lieu de le renforcer. La participation de la population, surtout des jeunes, sans paternalisme et dans le respect de leurs intérêts, est un des défi pour la politique et pour les citoyens. Et pas seulement dans le secteur artistique.

Sources :

https://nuso.org/articulo/anatomia-del-27n-cubano-y-su-circonstancia/

http://www.cubadebate.cu/noticias.2020/11/29/tremenda-tangana-en-el-trillo-fotos-y-videos/

http://www.cubadebate.cu/noticias/2018/12/08/decreto-349-ni-contra-el-artista-ni-contra-su-libre-creacion/

A  PARTIR  DU 1er JANVIER  2021 : LES  NOUVELLES  MESURES  ÉCONOMIQUES : LA  TAREA  ORDENAMIENTO.

                                                                                                                                  Regi Rotty

Comme je me trouve toujours à Cuba, à cause de la pandémie, ci-après un article de première main.

La disparition, attendue depuis longtemps, de la double monnaie, à partir du 1er janvier, a suscité de longues files devant les banques les premiers jours ouvrables de 2021. Pourtant de nombreux Cubains avaient déjà changé leurs CUC pour de CUP depuis plusieurs mois. Pour éviter les plus longues files, je ne me suis rendu à la banque que le 11 janvier pour y retirer de l’argent du mur avec ma carte Visa. Il y avait toujours une file, mais pas trop longue. Pour la, première fois le mur n’a pas livré de CUC (égal à un dollar), mais des CUP au taux fixé de 24 CUP pour 1 dollar US, alors qu’avant c’était encore 25 CUP pour un dollar. Le retrait maximal en  une opération est de la valeur de 400 USD. On ne peut pas choisir la valeur des billets et le mur livre des billets de grande valeur, qui ne sont pas toujours faciles à changer. On peut uniquement choisir le terminal de paiement : un qui fournit des billets de 1.000 CUP, et un qui fournit ceux de 500 CUP. Ce dernier est plus adapté pour les achats quotidiens.

Il y également la hausse des salaires, en moyenne x 4,9 (5 x pour les pensions), pour une inflation estimée des prix de 1,6. Dans ce domaine il y a des erreurs, malgré le contrôle de prix maxima fixés. Pour les tomates, par exemple, on demandait 8 fois le prix normal sur le marché noir, alors qu’on est qu’en début de saison, et que peu de tomates étaient disponibles. Fin janvier l’offre est plus grande, mais toujours insuffisante, ce qui fait la joie du marché noir où le prix n’est plus que 4 fois celui du prix fixé. Beaucoup d’étals où l’on vendait de la nourriture à des prix excessifs ont été fermés après contrôle et les propriétaires ont reçu de fortes amendes et la confiscation de toute leur marchandise. Certains vendeurs vendent à leur domicile ce qui limite les contrôles. Malheureusement les manques de l’offre stimulent le marché noir.

Il y a également la spéculation des revendeurs, qui vident les magasins pour revendre à des prix plus élevés. Cela se faisait pour des produits de base comme l’huile de cuisson, mais aussi pour l’électro-ménager. Ceci est combattu au maximum en limitant la vente à une pièce par client. Les grands spéculateurs disposant de magasins de stockage d’aliments ont pratiquement été éliminés après avoir fait la une de journaux pendant les derniers mois de l’année écoulée avec la saisie de camions entiers de marchandises.

La question de la réussite de la réforme dépendra des contrôles efficaces des prix des produits de base. Les autorités ont admis que c’était le point faible de la réforme. Hier, 29 janvier, l ‘émission Cubavision, lors des nouvelles de 20 heures on a utilisé les mots « corruption, illégalités et  prix fortement exagérés ». Des mots durs mais compréhensibles dans les circonstances actuelles de crise. L’avenir nous dira dans quelle mesure la révolution cubaine réussira dans sa tentative de relancer l’économie de façon équitable pour tous, comme c’est le but.

En tous cas certaines choses marchent bien : il y a plus de demandeurs d’emploi suite aux salaires relevés, et il y a plus d’exportations grâce au nouvelles règles, afin de générer les devises indispensables. Et l’aide pour les gens qui risquent de tomber du navire se déroule bien, grâce à l’aide fournie par les assistants sociaux.

INÉGALITÉ, PAUVRETÉ, VULNÉRABILITÉ ET MARGINALTÉ.

                                                                                                                        Alexandra Dirckx

En 2020 on a publié les conclusions de 99 études différentes au sujet de l’inégalité et de la pauvreté à Cuba, dans le sens large du terme.Ces études ont été réalisées entre 2008 et 2018 sur tout le territoire cubain. Les méthodologies et formes de travail utilisées sont très diverses et englobent plusieurs domaines de l’existence. S’approfondir à ce sujet nous mènerait trop loin.

Le résultat des études mentionnées a été synthétisé dans deux dossiers qui décrivent le contexte cubain d’inégalités à cause de la couleur de la peau et de l’intersectionnalité » et « la pauvreté, la vulnérabilité et la marginalité ». L’intersectionnalité, appelée aussi pensée croisée, est un phénomène où « l’inégalité sociale se produit sur des axes différents, qui se croisent ». Elle part de l’idée que les individus subissent la discrimination et la répression dans une société sur base d’une multitude de facteurs. Mais malgré le fait que tous les concepts soient clair, il n’est pas superflu de parfois les cadrer dans le contexte cubain.

L’inégalité suite à la couleur de la peau se base sur l’idée du racisme et de l’exclusion sur base de la race ou de l’ethnicité.  Et malgré le fait que dans son article 42 la Constitution cubaine, ratifiée en 2019, esquisse un  cadre juridique par lequel on condamne toute forme de discrimination, il est clair que l’exclusion que ressentent les gens d’une autre couleur de peau n’est pas éradiquée par la ; législation. Cette conclusion avait déjà été faite par Fidel il y a deux décennies. Il voulait introduire l’égalité intégrale dans la société cubaine et la fixer légalement. Liés à la punition de chaque forme de discrimination cela devait conduire automatiquement à une société égalitaire. Fidel a reconnu par après que cela ne fonctionnait pas. La méthodologie a certes fonctionné pour les droits des femmes, mais la perception des noirs est insuffisamment modifiée. Le fait que cette perception n ‘a pas suivi la même évolution est liée au passé colonial de la population noire. Les Africains étaient vendus comme de la marchandise sur les marchés d’esclaves. Ceci a fortement influencé la vision sur la;population noire et a accru les préjugés et la stigmatisation. Après la révolution cubaine tout a été mis en oeuvre pour éliminer ces inégalités et modifier cette vision.

Que nous apprennent les chiffres rassemblés par les études mentionnées ci-dessus ? Avant de les examiner il est utile de savoir que la population cubaine est surtout composée de blancs (64,1 %), puis de mulâtres (26,6 %) et que seulement 9,3 % de cette population est noire. Où se situent les principales différences ? Jetons d’abord un regard sur les études,, les jobs et la rémunération qui y est liée. En général nous constatons que les blancs accèdent plus rapidement à des postes de direction. Mais il n’y pas de différence entre le nombre membres de la direction blancs ou noirs. Les mulâtres sont eux moins bien classés. Ils sont aussi moins représentés dans les jobs mieux payés et, en général, leur degré de scolarisation est un peu plus bas. Dans la vente sur les marchés ont trouve plus de noirs et de mulâtres. Et quand on examine l’agriculture, on constate que les trois groupe sont représentés  proportionnellement, mais se sont les Cubains blancs qui occupent les postes dirigeants pour lesquels une formation est nécessaire. Dans les entreprises avec un investissement étranger les emplois sont plus souvent occupés par des Cubains blancs. Les formations donnant accès aux jobs les mieux payés sont surtout suivies par les blancs. Une étude plus approfondie nous apprend que ce sont surtout des facteurs géographiques qui interviennent dans ce cas et pas tellement des mécanismes d’exclusion ou racistes. Les différentes formations ne sont pas offertes partout, et comme des Cubains colorés sont plus nombreux dans certaines régions, ils choisissent plus facilement les formations offertes dans la région. Dans l’enseignement il y a en général très peu de différences. L’accès à l’enseignement ne démontre que des différences négligeables entre les groupes de population.

Finalement nous constatons que les sommes d’argent envoyés par des Cubains qui vivent à l’étranger (les remesas) arrivent surtout chez les Cubains blancs. Ceci est aussi explicables par des facteurs historiques. L’immigration après la victoire de la révolution était surtout composée de riches Cubains blancs qui continuent à soutenir leur famille à Cuba. Et ceci suscite un nouveau phénomène : on trouve plus de blancs comme indépendants car ils peuvent plus facilement le capital de base pour démarrer leur propre affaire.

Un autre domaine où apparaissent des signes entre les ethnicités est celui du logement. Les Cubains blancs vivent dans les meilleurs quartiers, ont plus souvent leur propre maison et, en général, leurs logement sont mieux pourvus en sanitaires et en équipements. Les Cubains noirs logent souvent dans des appartements ou des chambres. Il n’est pas rare qu’ils partagent une cuisine ou une pièce d’habitation, et vivent dans des quartiers illégaux qui apparaissent à la Havane. Ce peut s’expliquer par l’arrivée de gens de l’est de Cuba, qui migrent à la Havane pour y trouver un meilleur avenir, mais qui n’ont pas de logement. La majorité de la population de l’est de Cuba est colorée, et leur part dans des maisons auto-construites est dès lors plus grande.

Pour terminer, l’espérance de vie est plus haute chez la population blanche. Les chercheurs réfèrent ici aux logements de moindre qualité et aux métiers plus lourds, qui expliquent une espérance de vie plus basse. Le plus souvent c’est un mélange de plusieurs facteurs qui suscite une santé moins bonne ou moins soignée. Les éléments suivants jouent un rôle important pour l’espérance de vie : les origines, la région où vit l’intéressé, le niveau de formation, le logement, le job et les revenus. La majorité des personnes vulnérables sont dans ce cas des femmes peu scolarisées, qui n’ont pas une travail régulier qui leur assure des revenus fixes, sont mal logées et appartiennent en général aux catégories  de mulâtres ou de noirs.

Les résultats regroupés sous le titre : pauvreté, vulnérabilité et marginalité sont forts semblables. Mais reprenons ici aussi quelques éléments. Quand Cuba parle de pauvreté de chances il est important de le situer dans le contexte cubain. Dans notre société il y a beaucoup de mécanismes d’exclusion qui font que des enfants et des adultes soient exclus de certaines opportunités ou de l’obtention de certains droits. Une expropriation peut mener à un ménage sans abri  ou une famille qui finit dans une maison d’accueil. Un enfant sans abri est exclu de certaines opportunités que la situation des parents ou de la famille ne peuvent plus garantir. L’enseignement est en principe accessible à tous, mais  pour certaines formations les outillages sont tellement chers (boulanger, coiffeur…) que les parents se trouvent dans l’impossibilité d’offrir ces formations. On voit aussi que souvent des soins de santé sont postposés à cause de leur coût. Ce genre de manque d’opportunités est  inexistant à Cuba. Les systèmes d’intégration y sont tellement développés que l’enseignement,les soins de santé et le fait d’être sans abri sont rencontrés. A Cuba on ne peut pas parler de faim, de mortalité à cause de manque de soins ou de sans abris.

Où se trouvent dès lors les différences ? Depuis 1989, le début de la période spéciale, Cuba n’a plus réussi à garantir le pouvoir d’achat des habitants et les différences entre Cubains grandissent. Nous avons déjà fait référence aux différences de formation et les différences de salaire qui y sont liées. C’est une des origines de l’inégalité. A Cuba le habitants, en excluant les prix peu élevés des utilités, des soins de santé et d’éducation gratuits, des transports très bon marchés et du paquet de base de produits alimentaires via le carnet de rationnement (la libreta), consacrent entre 59 et74% de leur revenu aux produits courants. Ceci est un pourcentage élevé. En Belgique, en 2018 on arrive à 14 ou 16 % quand on y ajoute les boissons alcoolisées. Ceci mène à la constatation que les revenus moyens du Cubain ne suffisent pas pour se fournir en besoins de base. A moins d’être employé par une entreprise où une partie du salaire est payée en devises ou en CUC, ou de recevoir une aide mensuelle de la famille à l’étranger. On peut affirmer que les isolés ou les personnes dépendant d’une aide (maladie, pension, chômage partiel) ont des difficultés pour couvrir leurs besoins. Les indemnités à Cuba sont sous la frontière de la pauvreté. Une personne âgée sans réseau peut avoir faim.

En plus du revenu l’étude démontre que les peu scolarisés perdent plus souvent leur job. Peu scolarisé à Cuba ne signifie pas la même chose à Cuba que dans notre contexte urbanistique où le marché du travail accueille beaucoup de gens non formés où analphabètes dans la langue ce qui les empêche de communiquer sur les lieux de travail. Le Cubain peu scolarisé en général terminé ses études secondaires et parle couramment l’espagnol. Peu scolarisé à Cuba signifie  ne pas avoir fait d’études supérieures ou universitaires, ce qui fait une grande différence en opportunités pour les gens et fait surgir des questions au sujet de la rémunération des jobs de base dans la société cubaine.

Quand nous examinons la vulnérabilité, nous constatons que surtout les mères célibataires, sans diplômes, qui sont devenues mères très jeunes, dans des régions rurales ou des quartiers pauvres dans les grandes villes, ne réussissent pas à échapper à la pauvreté. En général ces femmes sont issues de ménages en difficultés et on leur demandait d’assumer un rôle de soutien dès un âge jeune. Onn peur se référer ici à une forme de pauvreté générationnelle. Dans beaucoup de régions rurales de Cuba la population vit plus sobrement, ce qui la rend plus vulnérable et accroît les risques de tomber dans la pauvreté.

Pour rencontrer la vulnérabilité et la signaler, on a créé en 1960 les Comités de Défense de la Révolution (CDR) au niveau des quartiers. Les volontaires qui assument cette tâche observent les faits et peuvent intervenir quand une situation familiale est intenable. On peut alors faire intervenir une aide sociale, en général très accessible, mais dont les moyens sont limités. Et la fonction de signalement est assumée par un volontaire qui fait sa propre estimation d’une situation d’une situation à problème ou non.

La participation à la vie sociale et politique est également, et à juste titre, évoquée comme facteur de vulnérabilité. Ici également un manque de moyens financiers est à la base de l’exclusion.

Les chercheurs cubains mettent un lien très étroit entre diplômes, lieu de travail et revenu, d’une part, et vulnérabilité d’autre part. Mais il y a d’autres éléments qui peuvent également conduire à la marginalité et la vulnérabilité. L’usage de stupéfiants et des problèmes psychiatriques rendent les gens plus vulnérables et limitent leur capacité pour fonctionner dans la société.

En conclusion on demande aux gens en état de pauvreté de se regarder. La réponse est bien connue:nous sommes et nous restons des gens pauvres, notre situation est telle que nous ne trouvons pas le moyen de changer quelque chose à notre situation et finalement nous n’avons pas rencontré ces dix dernières années une mesure qui prend en charge notre situation. Un terrain connu ? Peut-être bien !!

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