Que devons nous croire des critiques faites sur les missions cubaines?
Les brigades cubaines “Henry Reeves” ont fait l’objet d’une grande polémique : d’un côté, elles sont citées en exemple de l’humanisme et de la solidarité de Cuba envers d’autres pays, de l’autre, le pays est accusé de “traite d’esclaves” et d’abus diplomatique. L’envoyé-e spécial-e des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage et Human Right Watch ont émis des critiques récemment. De quoi s’agit il ? Nous avons cherché à le savoir :
« Les brigades ne sont pas inspirées par l’humanitaire mais par des motifs économiques ».
Les Etats Unis accusent Cuba d’utiliser les brigades dans un but de profit. Avec la perte du soutien du Vénézuela et des revenus du tourisme, les brigades sont la seule solution pour Cuba d’après les critiques.
Cuba a formé beaucoup plus de personnel soignant que ce dont le pays a besoin. Cuba utilise ce potentiel supplémentaire dans ses programmes de coopération internationale. Comme déjà indiqué dans l’aperçu historique, Cuba a été forcé par les circonstances à sortir d’un système de soidarité gratuite. Le pays n’a jamais nié non plus que les brigades médicales représentaient des rentrées financières importantes. Quand le Brésil ( nov 2018), l’Equateur et la Bolivie (nov 2019) ont mis fin à la coopération de 9500 brigadistes cubain, , cela a été un coup dur dans le budget cubain. Mais le gouvernement cubain donne peu de données concrètes à ce sujet. Pour l’année 2019, le Ministère de la santé cubain a déclaré que le pays avait reçu cette année là 6,4 milliard de dollars pour les services médicaux à l’étranger ( personnel et produits pharmaceutiques inclus)
Les modalités de coopération pour les brigades Henry Reeve mobilisées pour la lutte contre le Covid-19 ne sont pas connues. Le Dr Carlos Pérez Diaz de la brigade active en Lombardie- Italie a déclaré dans un journal local : “ nous n’avons absolument pas parlé d’une forme de rémunération. Nous sommes ici pour travailler ensemble; le gouvernement italien nous assure l’hébergement et le séjour. Notre présence dans la région est de la solidarité pure.
« Les brigades seraient une forme d’esclavage moderne »
Selon la critique, les médecins cubains seraient exploités, ils ne seraient pas libres et recevraient un salaire de misère. Tous les médecins n’ont pas la chance de participer à une brigade; ils sont pour cela invités par la Colaboracion Médica Cubana, qui organise les brigades internationales. Une fois l’invitation acceptée, un contrat de travail est établi..Dans le pays hôte, les médecins et infirmiers travaillent sous la coordination d’un responsable de brigade et d’une personne du PCC (Parti Communiste Cubain) qui s’occupe entre autres de la communication vers l’extérieur, une pratique qui existe aussi à Cuba.
Cela ressemble à un cadre strict mais n’oublions pas que jusqu’à il y a quelques années, les Etats Unis cherchaient à persuader les médecins cubains de “déserter” . Les Etats Unis attiraient les brigadistes en leur promettant un permis de séjour permanent. Juste à la fin de son mandat comme président, Barack Obama a levé cette possibilité, mais le président actuel Trump fait tout pour “convaincre les brigadistes qu’ils sont exploités”. De son côté, Cuba se protège d’une fuite de cerveaux importante car on ne peut pas nier que dans le passé, des centaines de médecins cubains ne sont pas retournés au pays. Ces “déserteurs” étaient alors punis avec l’interdiction de revenir au pays pendant 8 ans. Avec les dernières modifications de la loi de migration, Cuba accueille à nouveau ces médecins.
Qu’en est il de la rémunération des médecins de ces brigades ?
Un médecin à Cuba gagne l’équivalent de 70 dollars, peu sans doute en regard de nos normes mais le double cependant d’un salaire moyen. Un médecin en mission reçoit l’hébergement, les repas et un bonus limité pour ses frais personnels. Il touche toujours son salaire cubain qui est versé à sa famille à Cuba.. A côté de cela, le médecin reçoit tous les mois un bonus sur son compte personnel à Cuba qu’il/elle peut toucher à la fin de sa mission. De plus les membres des brigades médicales ont différents avantages : à la fin de leur mission de deux ans, ils peuvent importer, à des tarifs douaniers intéressants, tout l’équipement ménager qui est difficile à obtenir à Cuba.
S’il est vrai que les médecins cubains en mission sont bien payés selon les normes cubaines, il est également vrai que dans le cadre des accords de coopération bilatérale, Cuba facture un montant beaucoup plus élevé par brigadiste, cela monte à 5000 dollars et plus par mois. Devons nous considérer cela comme de l’exploitation des médecins brigadistes ?
Difficile à dire car cette manière de faire est appliquée par Cuba pour tout travail de coopération avec des entreprises étrangères sur l’île même. Les travailleurs cubains engagés dans la Construction d’hôtels appartenant à des groupes espagnols ou français recoivent également le salaire national plus un bonus tandis que l’entreprise étrangère paye au gouvernement une somme bien plus élevée par travailleur. Grâce à cela, le gouvernement cubain peut financer un enseignement gratuit, des services de santé gratuits et les pensions.
Cuba exploite les brigades médicales à des fins diplomatiques
Selon la critique Cuba exploite les brigades médicales à des fins diplomatiques pour créer une bonne volonté diplomatique pour briser le blocus. Les Etats Unis ont averti les pays qui recoivent les services médicaux cubains de ne pas se laisser manipuler.
Cuba se présente en effet volontiers en tant que pays qui se laisse guider par des principes humanistes et de solidarité internationale. Et en effet, avec de bons soins de santé et un enseignement de grande qualité d’un côté et des prestations internationales sur le plan médical mais aussi en matière d’éducation et de sports de l’autre, les autorités cubaines ont des bons atouts en main. De plus, il n’y a rien de mal à propager ses propres principes et à faire de la diplomatie.
Est ce que l’Union européenne ne fait pas la même chose quand elle promeut son propre modèle de démocratie?
Il est clair que les brigades médicales ont contribué à l’appréciation internationale de Cuba. Dans le cas du Honduras, les brigades médicales intervenues après le passage de l’ouragan Mitch, ont même contribué à la reprise des relations diplomatiques avec Cuba. L’engagement de médecins cubains dans la lutte contre Ebola en Afrique de l’Ouest a été reconnu et louangé. De même dans le contexte actuel Cuba a attiré l’attention avec les médecins cubains en lutte contre le Covid-19 et un slogan caractéristique : “La solidarité n’est pas un produit de luxe de la révolution mais elle en est l’essence.”. Opposer sa propre solidarité au blocus assassin des Etats Unis, voila une opportunité que Cuba n’a pas laissée de côté : “Solidarité oui, blocus non!” ou encore “Cuba sauve, le blocus tue !”
Sources :
Dra. Michele Santana Iglesias: https://www.medigraphic.com/pdfs/revcubsalpubint/spi-2012/spi121c.pdf
http://cubacoopera.uccm.sld.cu/datos-y-estadisticas/indicadores-de-servicio/
http://www.escambray.cu/especiales/coronavirus/cubasalva/ (aperçu des Brigades Henry Reeve contre le Covid-19)
https://salud.msp.gob.cu/tag/contingente-henry-reeve/ (video)