Traductions – Cuba Si 220
AU SOMMET UNION EUROPÉENNE – CELAC CUBA PLAIDE POUR LA DÉCOLONISATION.
Wim Leysens
Le 17 et 18 juillet 2023 le IIIe Sommet Union Européenne – CELAC a eu lieu à Bruxelles. Il y avait déjà huit ans que chefs de gouvernements de l’Union Européenne et d’Amérique Latine ne s’étaient plus rencontrés. Le président Díaz-Canel était présent et a exprimé clairement ce qui vit dans le continent latin.
L’union Européenne (EU) avait visé haut pour l’organisation de ce sommet. Le 7 juin l’UE a dévoilé sa nouvelle stratégie pour l’ Amérique Latine. Avec un nouveau partenariat politique l’UE veut sauvegarder sa position en Amérique Latine et dans les Caraïbes face à l’influence grandissante de la Chine et de la Russie. La visite d’Ursula von der Leyen dans quatre pays importants du continent a clairement démontré que l’UE veut avant tout protéger son accès à des matières premières vitales. En clôture des nouvelles relations l’UE a lancé le Global-Getaway, un projet d’investissement de plusieurs milliards pour une transition verte et digitale, une réponse au plan chinois de la Route de la Soie.
L’UE espérait également une condamnation commune de l’invasion russe en Ukraine, mais cela ne c’est pas déroulé ainsi. Les 33 pays de la CELAC, bien préparés étaient venu avec un agenda bien clair.
Décolonisation des relations.
Le Sommet a commencé par une rencontre entre l’UE et les pays du CARICOM ( Communauté Caribéenne). Le président cubain Díaz-Canel a donné le ton : « L’histoire des pays caribéens ici
présents est marquée par des siècles de colonisation, d’esclavage et d’exploitation, et par l’actuel ordre économique international injuste. Reconnaître cette réalité améliorera nos espérances et le concept de ce que nous sommes ».
Des relations économiques honnêtes.
Le jour suivant le président Díaz-Canel l’ a formulé comme suit : « L’Amérique Latine et les Caraïbes ne sont plus l’arrière cour des États-Unis. Et nous ne sommes plis les ex-colonies qui ont besoin de conseils. Nous n’acceptons plus d’être traités comme des fournisseurs de matières premières et rien de plus. Nous sommes des pays indépendants et souverains avec une vue commune de l’avenir… Les pillages coloniaux et l’exploitation capitaliste ont fait de l’Europe un prêteur et ont plongé l’Amérique Latine et les caraïbes dans les dettes… Nous voulons des relations honnêtes et équilibrées, basés sur le plein respect de la souveraineté nationale et sur les principes de l’autodétermination des peuples. »
Díaz-Canel a également répété ce qu’il avait défendu le 23 juin 2023 au Sommet pour un Nouvel Ordre Financier à Paris. L’inégalité est étroitement liée aux institutions financières internationales et aux Accords de Brettow-Wood, qui nécessitent une profonde réformation. Il faut poursuivre les recherches pour les dettes étrangères du Sud qui a déjà remboursés plusieurs fois.
Le droit à l’autodétermination.
Le président cubain a répété la position bien connue de son pays. Dans toutes les circonstances les principes d’égalité souveraine et non-ingérence dans les affaires intérieures doivent être respectés. Chaque pays a le droit de choisir son propre système politique, économique et social. Il réfute ainsi chaque ingérence motivée par des interprétations culturelles au sujet de la démocratie ou des droits humains, une condamnation ferme des critiques occidentales entre autre au sujet de Cuba.
L’alternative est un ordre international basé sur la collaboration, la justice et la solidarité. Un dialogue respectueux et honnête, sans menaces et sans accusations, est la base des relations entre pays. Cette position de principes a bien sûr des conséquences concrètes. « On ne peut pas parler de décolonisation en Amérique Latine et en même se taire au sujet des Malouines et de l’état libre associé de Puerto Rico… Nous ne pouvons pas parler de ces sujets sans tenir compte de l’occupation illégale de la base navale de Guantánamo et du blocus économique, commerciale et financier cotre Cuba ».
Une plaidoirie pour des indemnisations.
Dans leur document préparatoire les pays de la CELAC avaient déjà plaidé pour « des indemnisations et des compensation pour aider à panser notre mémoire collective et annuler l’héritage du sous-développement ». Díaz-Canel a repris cette exigence dans son discours : « L’élargissement des liens entre l’UE et la région caribéenne exige forcément l’attention nécessaire pour les exigences de rétablissement et de compensation des pays du CARICOM pour les énormes dégâts causés par l’esclavagisme et la traite d’êtres humains transatlantique, un de chapitres les plus tristes et les plus honteux de l’histoire. »
De la part de l’UE on n’a pas vu d’engagements concrets. La déclaration finale du Sommet se limite à un renvoi prudent vers des indemnités : « Nous reconnaissons que l’esclavage et la traite des esclaves sont un crime contre l’humanité. La CELAC fait référence au programme en dix points du CARICOM pour des indemnisations ».
Le débat est ouvert.
Condamnation du blocus.
Cuba a réussi a intégrer la condamnation du blocus par les États-Unis dans la déclaration finale commune. « En ce qui concerne la Résolution A/77/7 de l’ Assemblée Générale des Nations Unies du 3 novembre, au sujet de la nécessité de mettre fin au blocus économique, commercial et financier de Cuba, nous confirmons notre opposition aux règles légales et aux règlements du fonctionnement extra-territorial. La reprise et le maintien de Cuba sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme entravent les transactions financières avec l’île. »
L’espoir d’une bonne collaboration.
Pour l’UE le sommet n’est pas devenu un succès, c’est le moins qu’on puisse dire. Mes pays latino-américains ont fait sentir à l’Europe qu’ils ne sont plus achetables avec des belles paroles et des promesses de millions d’investissements. La collaboration oui, mais sur une base d’égalité. A ces conditions le président Díaz-Canel voit de grandes opportunités de collaboration entre les deux continents. « Cette rencontre est positive et doit se traduire en actes concrets pour insuffler une nouvelle vie dans nos relations », estime Díaz-Canel. Les défis communs sont les changements climatiques, les transformations digitales, l’inégalité sociale et la recherche de la paix dans un monde multipolaire. « Concluons, dit-il, par un appel de faire des efforts ensembles pour combler l’énorme gouffre d’inégalité qui nous sépare. C’est une tâche difficile, mais pas impossible. La région caribéenne et l’ Europe doivent et peuvent mieux collaborer ! Pour atteindre cet objectif vous poiuvez compter sur Cuba ». D’ailleurs l’accord de collaboration entre l’UE et Cuba prouve que la coopération et le dialogue dans le respect pour les différences est possible.
La guerre en Ukraine n’est pas une priorité pour l’ Amérique Latine.
L’UE espérait une condamnation de la Russie par les pays latino-américains pour la guerre en Ukraine. Mais le continent américain a d’autres priorités. La CELAC s’est proclamée zone de paix, ces pays ne livrent pas d’armes à l’Ukraine et n’appliquent pas de sanctions à la Russie. Ils soutiennent toutes les initiatives diplomatiques qui tendent vers une paix juste et durable en accord avec la Charte des Nations Unies.
Cette position commune n’empêche pas que l’ Amérique Latine réagit divisée à la guerre. Des pays comme le Chili et le Mexique se rapprochent plus de la position européenne, alors que Cuba, le Nicaragua et le Venezuela veulent maintenir de meilleurs liens avec la Russie. On n’a donc pas vu une condamnation claire de la Russie. Certains diplomates européens estiment que c’est une petite victoire que dans la résolution finale on exprime une « profonde inquiétude pour la guerre persistante conter l’Ukraine », et non en « Ukraine ».
Sources :
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COMME SI LE BLOCUS N’ ÉTAIT PAS SUFFISANT !
L’ IMPACT DE LA REPRISE DE CUBA SUR LA LISTE DES PAYS QUI SOUTIENNENT LE TERRORISME.
Erik De Smedt et Wim Leysens
Dans le cadre du Sommet alternatif des Peuples, la Coordination pour la levée du blocus a organisé une conférence internationale qui a attiré beaucoup de monde. Le message adressé aux États-Unis est clair : arrêtez le blocus ! Et les dirigeants Européens ont également une mission urgente : -obligez les banques européennes à rétablir les relations financières avec Cuba ;
-prenez des mesures drastiques contre les États-Unis jusqu’à ce qu’ils retirent Cuba de la
liste des pays qui soutiennent le terrorisme ;
-instaurez une pression diplomatique et économique contre les États-Unis pour mettre fin
au blocus.
Impact du blocus à Cuba.
Elisa Muñoz Gomez, responsable de la Formation de la Médecine pour le peuple.
« Les système de santé à Cuba est très impressionnant avec une forte prédominance de médecine préventive. Les soins sont très proches du patient. Nous étions très choqués de voir comment le blocus empêche le développement. Un exemple : une entreprise cubaine de biotechnologie a de grands problèmes d’accès aux produits de base pour la fabrication de médicaments. Les Cubains ont des brevets reconnus au niveau international, mais ne peuvent pas les vendre aux États-Unis. Avec les vaccins contre le Covid, produits à Cuba même, deux logiques s’opposaient : la logique de la solidarité face à celle de Big Pharma où les bénéfices priment… deux logiques qui ont un impact très différent sur les gens. Ce blocus coûte des vies. »
Joke Vrijs est représentante nationale des jeunes démocrates chrétiens de Belgique. Joke est revenue d’un voyage avec une autre vision, avec un récit de gens pleins d’espoir et de rencontres avec des Cubains chaleureux et doux. Mais qui souffrent du blocus. Ils cherchent des solutions créatives pour toutes sortes de pénuries. Mais aucun Cubain ne va se coucher en ayant faim, même pas dans cette situation difficile. Elle continuera à raconter les histoires des Cubains, chaque jour s’il le faut. Elle invite tout le monde à faire le voyage à Cuba pour écouter les récits des Cubains, se former une opinion propre et la partager ici par après.
Hital Sor est secrétaire générale de la FGTB-Métal. « Le syndicaliste belge s’intéresse à ce qui se passe à Cuba. Pour les travailleurs belges nous ne pouvons pas trouver de solutions dans le système capitaliste. Ce n’est pas le marché qui va résoudre nos problèmes. Cuba nous montre qu’un autre système économique est possible, dirigé vers le bien-être des gens. Mais le blocus par les États-Unis torpille le modèle cubain. C’est pour cela qu’en tant que syndicalistes nous devons combattre le blocus. Partout les États-Unis ont créé des groupes terroristes auxquels ils livrent des armes. Et puis ils disent que Cuba est terroriste… Cuba n’a exporté que la solidarité… Cuba doit disparaître de cette liste d’états terroristes. »
Le blocus et les droits humains à Cuba.
Dr. Yuri Pérez Martinez, vice décan de la faculté de droit de l’université de La Havane :
« Depuis 1960 la stratégie des États-Unis est de saboter la vie économique à Cuba. Ils ont réussi à tarir les moyens financiers de Cuba. Le simple citoyen cubain en est la première victime. Et ainsi les États-Unis violent les droits humains car le blocus mine l’éducation et les soins de santé. Un exemple frappant : en pleine pandémie du corona les États-Unis ont refusé de vendre de l’oxygène à Cuba.
Et pourtant ce sont les Cubains qui sont intervenus les premiers lors de l’éclatement de l’ébola en Afrique, qui ont effectué des milliers d’opérations, qui ont produit un vaccin propre, car nous savions que nous ne pourrions pas en acheter. »
Pourquoi les États-Unis reprennent Cuba sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme ?
Angelica Becker, présidente de Netzwerk Kuba Deutschland, qui regroupe 40 organisations en Allemagne.
« Le blocus exprime une agressivité toujours croissante au niveau international. Les États-Unis ont mis Cuba sur la liste des états qui soutiennent le terrorisme quand Cuba était médiateur dans le conflit colombien qui, opposait les Farc et le gouvernement. Lors de l’interruption de ces conversations le gouvernement colombien a demandé l’extradition des dirigeants des Farc. C’est alors que le président Trump a décidé de reprendre Cuba sur la liste. Gustavo Petro, le nouveau président de Colombie a demandé de revenir sur cette décision, mais l’administration Biden maintient Cuba sur la liste.
Et le pire est possible. Kevin McCarthy, républicain et président de la chambre des députés des États-Unis, propose d’ôter au président la compétence d’enlever Cuba de la liste et de rendre la mesure dépendante de l’approbation de l’entièreté du parlement, ce qui rendrait inimaginable que Cuba disparaîtrait un jour de la liste.
Nous devons informer les gens à ce sujet, nous devons interpeller nos gouvernements pour mettre fin à ces injustices. »
Que pensent les jeunes du blocus ?
Mirthia Julia Brossard, responsable internationale de la UJC (Union des Jeunesses Communistes de Cuba).
« Qu-est-ce qui vit chez ceux qui sont nés sous le blocus ? Les dégâts causés par le blocus sont en général exprimés par plein de chiffres. Mais il y a une conséquence peut être plus importante mais difficilement mesurable : le blocus mène aussi au désespoir et à la peur, certainement chez les jeunes qui constituent 30 % de la population. Le but du blocus est de créer le désespoir et de briser la combativité. Les États-Unis ne veulent pas seulement étrangler l’économie, ils veulent aussi imposer aux jeunes le « rêve américain ». Et les États-Unis développent l’idée que tout est de la faute du gouvernement cubain. Mais ils sous-estiment la capacité d’analyse des jeunes. La jeunesse cubaine continue à soutenir la révolution. Même les nombreux jeunes émigrés continuent à soutenir le pays et s’opposent à ce génocide politique. »
L’impact de l’extraterritorialité sur le secteur bancaire.
Miguel Quintero, premier vice-président de Cuba Coopération – France.
« Cuba a besoin d’investissements étrangers pour son développement économique. Les États-Unis créent un climat de peur pour empêcher les relations avec Cuba. Et ça marche. Après des amendes de plusieurs millions pour BNP Paribas et ING les banques ne sont pas enclines à collaborer avec Cuba. Après des sanctions supplémentaires sous Trump, Aéroports de Paris a rompu les relations avec l’aéroport de La Havane.
Des mouvements de solidarité de France, Italie et Suède ont déposé une pétition au parlement européen qui doit protéger les entreprises contre les sanctions des États-Unis. Nous exigeons que la Commission Européenne adopte une position claire, qu’elle protège les entreprises européennes et oblige les banques a exécuter les versements vers Cuba. »
L’impact de « Cuba sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme » sur les relations bancaires.
Nicolas Lazaro Valladares, président de l’ Association Nationale des Économistes et Comptables de Cuba.
« Jai vécu toute ma vie sous le blocus criminel. En 60 ans Cuba a perdu 150 milliards de dollars à cause du blocus. Sous une telle guerre qui pourrait faire une évaluation exacte d’une telle guerre financière ? Dans les médias on lit souvent que l’économie cubaine a échoué, mais on oublie cette saignée. Qu’aurions nous pu réaliser sans ces limitations ? Et en plus les États-Unis, comme si ce n’était pas assez, ont mis notre pays sur la liste d’états terroristes. Ceci veut dire un doublement des effets négatifs du blocus. Cela coûte mensuellement des tonnes d’argent pour Cuba.
Les conséquences : les besoins alimentaires de base sont limitées, les remesas qui viennent des États-Unis sont fort limités, il n’y a pratiquement plus d’investissements étrangers. Dans le domaine de la santé : ces derniers mois on a diagnostiqué 8 enfants victimes du cancer et les médecins ne disposaient que de médicaments dépassés. Empêcher le bon traitement du cancer, ça c’est du terrorisme. Pourtant Cuba a de meilleures chiffres pour la mortalité infantile que les États-Unis. Ce sont ces derniers qui diffusent le terrorisme. Mais Cuba n’abandonne pas. »
La gestion ratée des États-Unis au sujet du blocus contre Cuba.
Maite Mola, représentante internationale du Parti de la Gauche Européenne – Espagne.
« Depuis 1996 l’Union Européenne (UE) défend aux entreprises européennes d’appliquer les lois de sanctions nord-américaines. En 2017 l’UE et Cuba ont conclu un accord de coopération. Et pourtant nous constatons que les banques violent les règles européennes. Mais l’UE laisse faire.
Les dernières nouvelles venant de l’UE ne sont pas positives. Le Parlement Européen a approuvé à la mi-juillet une résolution qui appelle a suspendre l’accord de coopération. L’argument massue : le droits humains. Cuba est accusé, sans la moindre preuve, de tortures, mais personne ne parle des prisonniers dans la base nord-américaine à Guantánamo. Cuba ne serait pas une démocratie, mais on ignore le référendum approuvé massivement au sujet de la constitution et du nouveau Code de la Famille. On dépeint Cuba comme un allié de Poutine. Mais on oublie que le blocus est la principale violation des droits humains. Les États-Unis prennent en otage la totalité du peuple cubain depuis plus de soixante ans. Ce n’est pas Cuba mais les États-Unis qui devraient se trouver sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme. »
Important : un tribunal est érigé qui doit oeuvrer à la disparition de Cuba de cette liste.
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SOMMET DES PEUPLES 2023
LES MÉDIAS, PARTENAIRES OU ENNEMIS ?
Katrien Demuynck
En janvier 2023, vingt ans après la création du Réseau d’Intellectuels, Artistes et Mouvement Sociaux (REDH – Red de Defensa de la Humanidad), une section a été démarrée en Belgique. Il s’agit d’un mouvement de réflexion et d’action contre toutes les formes de domination et d’exclusion. Le Réseau a été créé en 2003 sous l’impulsion de Fidel Castro et de Hugo Chavez. Le monde était alors confronté à l’invasion impérialiste en Irak. Aux États-Unis on annonce à haute voix la menace d’envahir Cuba. Nous voulons activer dans le monde entier le REDH car le monde ne se présente pas mieux, avec la crise climatique, la guerre en Ukraine, la crise économique, la crise des réfugiés, le fascisme qui prend de l’extension et un gouffre grandissant entre pauvres et riches.
Le Sommet des Peuples Europe – Amérique Latine, les 17 et 18 juillet à Bruxelles, organisé parallèlement au Sommet officiel EU – CELAC, est le moment idéal pour une première activité de la section belge du REDH. Elle y organise une des conférences sur le thème des médias de communication.
Les médias et plus particulièrement les médias digitaux et les applications de communication exercent une influence énorme sur notre société contemporaine. Sont-ils une bénédiction ou une malédiction ? Comment nous armer contre les stratégies de droite et fascistes sur le réseau ? Et à l’envers, comment utilisons nous de façon optimale les opportunités offertes par la communication digitale ? Voilà les principales questions posées. Cinq spécialistes en communication de la REDH, le coordinateur international de la REDH, Sergio Arras,et le coordinateur cubain, José Ernesto Novaez, font le voyage à Bruxelles pour débattre et échanger des idées.
Laura De Vos, membre de la jeune section belge et journaliste sur le site web alternatif « DeWereldMorgen.be » va modérer le débat. La première à prendre la parole est Lamprini Thoma, journaliste depuis 35 ans et membre de la section grecque de la REDH. Actuellement elle travaille chez « The Press Project » le plus grand canal de communication de gauche en Grèce. Lamprini explique comment la Grèce est actuellement colonisée par l’UE sur base des dettes.
L’avenir du peuple Grec est menacé depuis plus de dix ans. La principale arme d’attaque sont les méfias, tous contrôlés par la haute finance. Alors que les propres statistiques de l’UE démontrent que le peuple grec travaille fort, nos médias le décrivent comme paresseux et sans volonté pour travailler. Ainsi ils cachent le vol des richesses produites par la Grèce au travers de dettes imposées.
La Grèce est 107e sur l’index des libertés de la presse. Lamprini donne un exemple. Vaxevanis, présentateur télé populaire est licencié car il a parlé d’un article du Guardian qui dénonçait des pratiques de torture par la police grecque. Lamprini aussi a été licenciée parce qu’elle défend le droit de grève des journalistes. On l’a alors invité à rejoindre The Press Project, le plus grand projet de média alternatif, un des seuls médias totalement indépendants, financé par des millions de petits dons.
Grégoire Lalieu, journaliste et rédacteur en chef de Investig’Action créé par Michel Collon en 2004, prend alors la parole. Grégoire est spécialisé en analyse critique des médias et de leur propagande pour la guerre. Dans son intervention, sur base de l’expérience de Investig’Action, il explique comment internet a brisé le monopole des classes dominantes sur les médias.
Bien sur les classes dirigeantes tentent de contrôler les informations et de combler la faille au travers du monopole des GAFAM, les cinq plus importantes plate-formes digitales : Google (machine de recherches), Apple (hardware et appareils mobiles), Facebook (réseaux sociaux), Amazon (marchés) et Microsoft (systèmes de gestion).
Alors que les grands médias nous racontent tous la même chose, internet peut être une arme pour rompre ce monopole. C’est pourquoi Sarah Flounders, journaliste nord-américaine progressiste, compare internet avec l’invention de la presse de Gutenberg. Investig’Action prouve que nous pouvons diffuser gratuitement notre message via les médias alternatifs. Mais le danger de la droite est grand. Le capitalisme est en crise et le fascisme est son plan B. La menace de guerre mondiale s’accroît. Voila pourquoi il faut réunir les efforts des politiques de gauche, des mouvements sociaux, des syndicats et des médias alternatifs pour gagner la lutte de l’information. Tant au Nord que dans le Sud Global il faut construire un pouvoir alternatif.
José Ernesto Novaez Guerrero, le jeune coordinateur de la section cubaine de REDH, est le troisième membre des intervenants. Il est journaliste, écrivain et chercheur. Il parle de la soi-disant pluralité des grands médias qui n’est rien d’autre qu’un rideau de fumée pour un monopole grandissant qui facilite la production de fake news. Il insiste sur la nécessité, dans cette ère d’information de mener le combat pour convaincre les gens. Il faut se battre pour notre vision dans ce contexte de crise du système.
Aujourd’hui nous constatons comment le discours néolibéral et le soi-disant bon sens sont de plus en plus imprégnés de points de vues ultraconservateurs et fascistes. Il faut se battre pour remplacer le « bon sens » libéral, imposé par les classes dominantes, par notre vision. Les algorithmes nuisent aux idées alternatives de gauche. Nous devons dès lors utiliser les médias sociaux en notre faveur et d’autre part construire des réseaux sociaux où activisme et cyberactivisme se rejoignent.
Nous devons entamer la lutte pour notre culture progressiste et rompre l’hégémonie de la culture US et du capitalisme américain. Nous devons aussi combattre pour notre histoire, qui est une arme de lutte au service des peuples. Nous ne pouvons pas accepter l’histoire qui nous est injectée par les classes dirigeantes. Et finalement nous devons lutter pour une conscience révolutionnaire. La classe ouvrière reste le sujet de changements révolutionnaires. Soit nous réveillons la conscience de classe parmi les réprimés, soit nous seront écrasés par les chars du colonialisme et du fascisme. C’est urgent. Si nous ne les arrêtons pas maintenant ils vont se reconfigurer et gagneront en pouvoir.
La Catalane Laure Vega est une étudiante en droit qui travaille. Elle collabore à des médias comme Cataluña Plural et Público. Elle aborde le rôle des médias dans toutes les facettes de l’extrême droite. Elle explique comment ils jouent leur tôle en alimentant la panique morale, la croissance des sentiments d’insécurité et la manipulation du désordre politique, suscité par la gestion néolibérale, vers la haine des « autres », des « étrangers » ou des réfugiés. Et ce sentiment est dès lors traduit en une politique d’extrême droite et fasciste.
Même si des algorithmes et des quotas d’accès limitent la « démocratisation » de l’espace digital, Laure indique qu’il a une place pour la communication et pour la lutte des idées via les médias alternatifs. Mais c’est insuffisant pour dénoncer les mécanismes de manipulation et les fake news. Pour changer les opinions des gens il est aussi nécessaire de combattre le « réalisme capitaliste », comme le nommait le philosophe anglais Mark Fisher. Ainsi Laure rejoint sans failles la vision de José Ernesto.
Sergio Arria Bohórquez, coordinateur international du REDH, clôture les interventions. Il est un cinéaste vénézuélien et anthropologue audiovisuel et est actuellement vice-ministre de la Culture Audiovisuelle du Venezuela. Sergio Arria explique comment le capitalisme utilise les médias sociaux comme une de ses armes de la recolonisation. Ce sont les moyens de communication de masse pour l’occupation symbolique de la conscience des gens.
Il est urgent de faire un bilan et de construire la résistance contre ce mécanisme de domination subjective. Il est pour cela nécessaire d’élaborer ensemble une carte routière. Il explique comment nous devons devenir les producteurs de contenu et de communication représentative vers une communication participative.
La conclusion de cet échange international est claire. Nous devons participer à la création d’une nouvelle conscience commune qui est anticolonialiste, anti-impérialiste et anti-patriarcale. Les médias indépendants et les réseaux sociaux ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine.
Vous trouverez plus d’infos sur le REDH :
Katrien Demuynck est la coordinatrice de la section belge du Réseau des Intellectuels, Artistes et Mouvements Sociaux en Défense de l’Humanité et co-auteur de « De factor Fidel (Garant) et Ontmoetingen met Fidel Castro (EPO)