Traductions – Cuba SÍ 2019
Aujourd’hui il y a plus de liberté de religion à Cuba que jamais auparavant.
Wim Leysens
Lors des prémisses du référendum au sujet de la nouvelle constitution (2018) j’étais étonné par la violence avec laquelle certaines églises évangéliques menaient une propagande contre le mariage homosexuel : des pamphlets, des autocollants sur les poteaux électriques, des petits films sur les médias sociaux. Ceci me faisait penser comment les églises évangéliques aux États-Unis, dans les années ’90, agissaient pour miner les mouvements de libération en Amérique Centrale.
Quand j’ai exprimé mon étonnement à l’ex-ambassadrice de Cuba, elle m’ a répondu : c’est ça la liberté de religion à Cuba.
Et pourtant les États-Unis ont mis, le 2 décembre 2023, Cuba sur la liste noire des pays qui violent la liberté de religion. Bruno Rodríguez, le ministre des affaires étrangères, a réagi immédiatement, choqué par ces accusations malhonnêtes qui ont pour seul but de « mettre Cuba dans le coin des damnés ».
Les États-Unis manipulent la « liberté de la religion » pour des motifs politiques.
Quels arguments avancent les États-Unis ? En août 2022 l’USCIRF (United States Commission on International Religious Freedom) publiait son rapport sur Cuba.
La base en est formées par, entre autres, 15 interviews de dirigeants religieux et 41 témoignages écrits recueillis par Prisoners Defenders, une organisation très critique pour Cuba. Ils accusent l’autorité cubaine de contrôler leurs démarches, de diffuser des ragots à leur sujet ou de les persécuter.
Une autre critique de l’USCIRF concerne la nouvelle constitution cubaine (2019). celle-ci garantit la liberté de religion (à côté de celles de l’opinion, de l’organisation, etc.), mais ajoute à chaque fois « en conformité avec la loi ».
L’USCIRF en conclut que ce droit n’est pas absolu et donc non exigible, mais soumis et dépendant de l’arbitraire du législateur cubain, lire « le PCC » (Parti Communiste de Cuba). Cette dépendance est encore renforcée car Cuba ne dispose pas d’une loi cadre qui fixe la relation entre l’autorité et les religions.
Pour le gouvernement cubain c’est limpide : les États-Unis manipulent la « liberté de religion » pour des motifs clairement politiques.
Cuba contredit cette critique dans un document adressé au Haut Commissaire pour les Droits Humains des Nations Unies. La liberté de religion se trouve dans la constitution. Puisque Cuba est un état laïc le pays peut très bien garantir le droit pour chaque croyance religieuse. Chaque action, y compris par des fonctionnaires de l’état, qui limite la liberté religieuse est punissable. Les églises déterminent leur fonctionnement, leur personnel, etc. de façon autonome.
En mars 2022 l’autorité cubaine a créé un Département pour le Suivi des Organisations Religieuses, afin de faciliter le dialogue. D’autre part Cuba signale que les dirigeants religieux participent en toute liberté aux initiatives nationales et internationales des églises et que plusieurs dirigeants religieux siègent au parlement cubain.
Plus de liberté de religion que jamais auparavant.
Rafael Hernández, directeur de la revue cubaine Temas, c’est renseigné chez Pedro Álvarez Sifontes et Yunier de la Rúa, deux sociologues des religions liés au CIPS (Centre des Recherches Psychologiques et Sociologiques). Il en conclut que la liberté religieuses est plus grande qu’elle ne l’a jamais été dans l’histoire récente de Cuba. Mais ce n’a pas toujours été le cas. Tout de suite après la révolution de 1959 la nouvelle autorité a combattu les dirigeants religieux qui collaboraient avec le régime précédent. Vers le milieu des années ’70 et et le début des années ’80 cette attitude a abouti dans l’athéisme scientifique. Puis les relations avec les églises se sont lentement stabilisées. La théologie de la libération, qui se trouvait aussi à la base des mouvements de libération en Amérique Centrale, a également aidé les dirigeants cubains a réaliser que la religion peut aussi être un allié.
La publication du livre « Fidel et la religion » de Frei Betto, en 1985, a été le tournant formel.
L’autorité a ouvert un canal pour le dialogue avec les communautés croyantes, qui pouvaient ainsi exprimer leurs soucis et leurs divergences de vues. Des enquêtes sociologiques ont démontré que les sentiments religieux et leur vécu existaient encore chez 80% de la population. La direction révolutionnaire a du admettre que la politique athéiste avait mené à une double morale. Sous un voile d’athéisme la population restait fidèle à la religion.
Les églises sont des institutions religieuses, pas des organisations.
Cuba compte actuellement 1.850 organisations/instituts religieux en activité et reconnu par le Ministère de la Justice, avec un total de 1,5 millions de membres. L’image classique est que Cuba est un pays catholique, mais les églises évangéliques connaissent une croissance rapide. Et c’est un fait que les religions africaines (Regla de Ocha, Palo Monte et Abakuás) sont omniprésentes. Comme ces dernières ne sont pas structurées hiérarchiquement très peu de données sont connues.
Aujourd’hui les églises tombent sous la loi 54 sur les organisations religieuses. Mais les églises se considèrent comme des institutions et non de organisations. Les chercheurs du CIPS confirment que Cuba ne dispose pas actuellement d’un cadre juridique et normatif pour les activités religieuses. Ceci évoluera dans un avenir proche, ca&r le gouvernement prépare une loi plus large qui doit rencontrer ce manque.
Par le manque d’un cadre propre clair les dirigeants religieux ressentent une dépendance et un arbitraire au niveau local. Ils dépendent trop d’une bonne entente avec les fonctionnaires communaux compétents pour les affaires religieuses. Un exemple concret : parfois les fonctionnaires concernés exigent toutes sortes de documents non nécessaires quand une communauté religieuse veut louer un bus, une salle de théâtre ou quelque chose de similaire. Ceci n’est pas nécessaire, mais ainsi le fonctionnaire se protège du niveau supérieur si quelque chose devait rater. Il est clair, disent les sociologues, qu’un changement mental doit se produire au niveau de direction, qui doit éviter ces complications administratives.
D’ailleurs le Département pour le Suivi des Organisations Religieuses, créé en 2022, devrait résoudre ce genre de situations, même si la compétence pour de tels problèmes se situe au niveau des autorités locales.
La liberté du vécu religieux.
Certaines églises se plaignent du peu d’accès dont elles disposent dans les médias pour diffuser leur message chez les fidèles. Pourtant avec internet et les nouveaux médias sociaux les églises disposent de plus de moyens que jamais. L’église catholique dispose de 26 publications, dont cinq au niveau national, dont Vitral, Espacio Laical, Palabra Nueva et Vida Cristiana.
Les églises évangéliques comme les pentecôtistes ont également leurs publications, le Séminaire théologique à Matanzas, le Centre Luther King (revista Caminos).
L’église catholique dispose d’une émission deux fais par semaine sur les radios provinciales. CMBF, la radio nationale accorde une heure et demi d’émission à la Plate-forme Interreligieuse, chaque dimanche matin. Il n’y a pas de programmes religieux à la télévision, sauf l’émission de la messe de trois jours de fêtes. Via ces moyens classiques l’église catholique dispose de plus de visibilité, ce que d’autres communautés religieuses critiquent. Par contre les églises évangéliques ont accaparé les nouveaux médias sociaux. La pandémie du corona a donné une impulsion supplémentaire pour atteindre les fidèles via le temple cybernétique.
Les religions ont toute liberté pour organiser leurs activités religieuses, culturelles ou sociales, dans la limite des espaces physiques de leurs églises, temples ou centres de formation.
Pour une activité hors de ces limites une approbation par l’autorité communale est nécessaire, comme pour la location d’un local dans un cinéma ou un théâtre. Ainsi les Témoins de Jéhova ont rassemblé en 2003 15.800 témoins, pour la première fois dans une salle publique, la Salle Polyvalente à La Havane. Mais c’est surtout l’église catholique qui voudrait plus de libertés, par exemple pour l’organisation de processions.
L’autorité cubaine offre un enseignement laïc. La séparation éducation-croyance est la meilleure garantie pour éviter que les croyances religieuses dominent une connaissance de la société non basée sur la science.
Mais l’église catholique et de plus en plus les protestants n’acceptent pas cette situation et veulent organiser leur propre enseignement.
Pourtant les églises sont libres d’organiser l’enseignement de la religion dans leurs propres centres de formation, ce qu’ils font d’ailleurs de manière intense. Ils élargissent aussi leur offre par des cours de formation professionnelle, d’informatique, de langues, etc. L’archevêché de La Havane organise depuis un an après la loi 2011) une formation Cuba Emprende (Cuba entreprend). Des économistes et professionnels réputés offrent leur collaboration à cette formation professionnelle.
Álvarez et de la Rúa ont aussi étudié ce que les croyants pensent. 25% des interrogés estime qu’à Cuba il n’y a pas de liberté de religion. 5% estime partiellement et 70% estime que si. Ce dernier chiffre monte à 80% parmi les non-croyants. Ceux qui nient la liberté dénoncent qu’ils doivent demander des autorisations au Parti et qu’ils ne peuvent pas ouvrir leurs propres écoles.
Ils ne sont pas satisfaits par l’accès aux médias et veulent créer leur propre canaux TV et radio. On retrouve ces plaintes tant chez les catholiques que chez les églises évangéliques, mais pas toujours de la même façon.
Au sein de chaque communauté religieuse vivent des divergences et des visions contradictoires. Ceci c’est exprimé clairement dans les débats au sujet du nouveau Code des Familles (entre autre à propos du mariage homosexuel).
Les chercheurs en concluent que le vécu des croyances est un miroir fidèle de la quantité d’opinions et de points de vue qui existent aujourd’hui au sein de la société cubaine.
Sources : voir le texte original en néerlandais.
DIX LECONS DE 60 ANS DE DIPLOMARIE SECRETE ENTRE CUBA ET LES ÉTATS-UNIS.
Wim Leysens
William M. LeoGrande, professeur à l’Université de New York, et Peter Kornbluh, président de l’ONG « Archives de la Sécurité Nationale » à Washington, ont analysé minutieusement six décennies de négociations secrètes entre Cuba et les États-Unis, de Eisenhower à Obama. Leur livre très documenté « Back Channel to Cuba » se termine par dix leçons intéressantes du passé, dix pistes pour l’avenir.
Même en des temps d’hostilité intense il y a des opportunités pour un dialogue.
Tous les présidents des États-Unis ont partagé l’opinion que négocier avec le gouvernement de Cuba pouvait être nécessaire à un certain niveau.
Lors de la crise des fusées Kennedy a tenté d’ouvrir un canal de communication avec Castro. Malgré la présence militaire de Cuba en Afrique Ford et Carter restaient disponibles pour un dialogue.
Durant les luttes de libération en Amérique Centrale Reagan a envoyé en secret des négociateurs à Cuba pour négocier une solution. Plus le conflit est intense et plus menace une confrontation violente, plus il y a une nécessité de dialogue.
Les dirigeants cubains sont toujours ouverts au dialogue, mais ne céderont pas aux exigences des États-Unis.
Les États-Unis utilisent toujours une stratégie de « quid pro quo », à caque chose son dû. Durant la guerre froide Washington mettait trois conditions en échange d’une normalisation des relations avec Cuba : rompre le lien avec l’Union Soviétique, arrêter l’aide aux mouvements révolutionnaires en Amérique Latine et retirer les militaires cubains d’Afrique.
Mais pour Castrol’internationalisme prolétarien était un principe de base, il refusait de parler de l’arrêt du soutien à des camarades de la même idéologie à l’étranger.
Après la guerre froide Bush exigeait que Cuba installe un régime libéral à partis multiples et une économie de marché libre. A Cuba ce genre d’exigence suscitait encore l’irritation.
Le modèle de société n’est pas sujet de discussion.
Cuba est disposé à poser des pas qui rencontrent les soucis des États-Unis, mais ces pas se feront toujours à l’initiative de Cuba et ne sont jamais des concessions.
« Nous ne déciderons jamais quelque chose sous des conditions imposées par les États-Unis », déclarait en 1978 Carlos Rafael Rodríguez, le négociateur cubain.
« Il faut respecter l’honneur des petits pays, leur sentiment de dignité et leurs sensibilités ».
Cuba n’a jamais fait de concessions aux États-Unis. Pourtant Cuba avait une position souple. Un exemple : Castro a libéré 3.000 prisonniers parce qu’il savait que Carter attachait beaucoup d’importance aux droits humains. (Note de la rédaction : Cuba a toujours affirmé respecter les droits humains).
Pourtant Carter c’est heurté douze mois plus tôt à un refus catégorique quand il demandait la libération en échange de la normalisation des relations entre les deux pays.
Une approche plus positive est celle de pas parallèles positifs, par lesquels les États-Unis et Cuba posent des pas en toute indépendance l’un de l’autre. Cette approche a donné des résultats sur des sujets relevants pour les deux pays, comme les visites pour les familles dans les deux sens, la surveillance des ouragans, les actions contre le trafic de drogues et le réchauffement climatique. Mais qu’apportent ces petits pas quand la volonté politique pour aller plus loin est absente ?
Les petits résultats ne mènent pas nécessairement à de grandes ouvertures.
Cuba et les États-Unis ont conclu plusieurs accords de collaboration, chaque fois sur des thèmes de commun intérêt mais limités comme : les migrations, la délimitation des eaux territoriales, la lutte contre les enlèvements, les opérations de secours en mer, etc.
Dans les deux pays existait l’espoir que ces accords conduiraient à une normalisation des relations. Che Guevara fut le premier à estimer que des sujets secondaires pouvaient constituer une base pour le dialogue et la confiance. La promesse d’Obama de mener une autre politique envers Cuba a démarré avec un dialogue sur les migrations, le contrôle du trafic de drogues et des échanges éducatifs. Et pourtant malgré ces nombreux accords importants mais limités les deux pays n’ont jamais réussi le passage à la normalisation. Ici aussi la volonté politique manquait.
Cuba a toujours souligné que des pas unilatéraux ne doivent pas être considérés comme des concessions.
« Dites au présidentqu’il ne doit pas interpréter mon attitude conciliatrice comme un signe de faiblesse », déclarait Castro dans un message secret à Lyndon Johnson début 1964.
A chaque fois que Cuba se mettait à la table des négociations Castro soulignait qu’il le faisait sur une base de force. Les États-Unis ressentaient cette position comme crispée. Lorsqu’en 1975 Kissinger ne s’opposa pas à la levée des sanctions contre Cuba par l’OEA, en signe de bonne volonté, Cuba réagit en estimant que les États-Unis le faisaient pour leurs propres intérêts afin de rectifier leur image affaiblie au sein de cette organisation. Et quand Obama à supprimé les restrictions de voyage à Cuba pour les cubano-américains, les dirigeants cubains ont considéré cette décision comme un geste vers la communauté cubaine aux États-Unis et non comme une concession à Cuba.
Du côté des présidents américains le problème était qu’ils voulaient se couvrir contre les critiques dans leur propre pays, critiques instiguées par la communauté cubaine conservatrice de Floride. Voilà pourquoi Washington a toujours espéré que Cuba ferait les premiers pas importants, créant un espace politique pour une contrepartie. En d’autres mots c’est, comme le reconnaissait Kissinger, la politique intérieure qui déterminait la position des États-Unis vis-à-vis de Cuba.
Tout gravite autour du bon moment.
Aucun moment ne c’est jamais présenté où un des deux pays voulait normaliser les relations dans des termes acceptables pour l’autre partie. A différentes occasions, quand Washington cherchait la conciliation, Cuba mettait le désir de normalisation inférieur à sa géopolitique en Afrique ou en Amérique Latine.
Et quand La Havane cherchait la conciliation c’était Washington qui montrait un manque d’intérêt ou se trouvait trop intimidé par le lobby cubano-américain.
Bref, Cuba a toujours fait preuve d’un plus grand intérêt pour une amélioration des relations. Raúl Castro a proposé à plusieurs reprises de démarrer un dialogue. D’ailleurs Cuba a plus à gagner d’une normalisation. Et pour les États-Unis les coûts de la cohabitation avec un « ennemi éternel » sont relativement faibles, alors qu’un changement politique représente de grands risques en politique interne. Même Obama, qui reconnaissait que l’attitude hostile ne menait à rien, n’était pas disposé à aller plus loin que ces prédécesseurs.
Un rapprochement progressif vers la normalisation ne fonctionne pas.
Kissinger a proposé un paquet de négociations qui aurait du conduire à une normalisation. Quelques pas ont été faits, mais le processus c’est terminé quand Cuba a envoyé des troupes en Angola.
Les tentatives prudentes de Carter se sont heurtées à la présence cubaine en Éthiopie.
Clinton a vu sa politique de « réponses équilibrées » torpillée par les républicains qui approuvèrent la loi Helms-Burton.
Obama aussi a fait des pas, mais son exigence de transformations démocratiques était inacceptable pour Cuba. (Note de la rédaction : il s’agissait de transformations démocratiques vers le capitalisme et Cuba dispose effectivement d’un système démocratique, différent de ceux en occident).
La stratégie d’un rapprochement progressif a beaucoup de défauts. Elle demande beaucoup de temps, ce qui fait que toutes sortes d’événements peuvent croiser le processus, comme ce fût le cas avec les exemples cités. Et des progrès par un président étaient annihilés par son successeur.
Quand Carter a supprimé l’interdiction de voyages à Cuba, Reagan a rétabli l’interdiction. Clinton a assoupli les échanges « de peuple à peuple » jusqu’à ce que George Bush réinstaurait l’interdiction. La même chose c’est produite avec Obama et Trump.
Un autre désavantage de ce processus lent est qu’à chaque étape l’opposition politique aux États-Unis a une opportunité pour se manifester avec violence. Elle aussi se rend compte que chaque pas peut mener à une normalisation et s’oppose donc avec toutes ses forces à la moindre concession.
La politique intérieure joue un rôle dans les deux pays.
Chaque changement important doit disposer d’une soutien politique par la base. En ce qui concerne les États-Unis les 60 ans d’échecs pour changer le régime politique de Cuba ne sont pas un motif suffisant pour changer de cap. Les risques en politique interne et les frais sont trop grands. Surtout aux États-Unis la lutte entre pour et contre des relations normalisées a été féroce, avec pour résultat un status quo.
Durant les années soixante et septante l’opposition se basait surtout sur les sentiments anti-communistes. Durant les décennies suivantes l’influence des cubano-américains conservateurs a été déterminante.
Bref, chaque président qui tentait de modifier la politique envers Cuba devra payer un prix politique, soit au Congrès, soit en Floride.
A Cuba la prise de décisions est moins compliquée.
C’était Fidel Castro qui fixait les lignes de la politique étrangère. Mais lui aussi ne se trouvait pas dans un vide politique.
En 2001 Raúl Castro a déclaré que certains dirigeants estimaient qu’une normalisation impliquait des dangers pour la révolution. Fidel et Raúl avaient l’autorité morale pour effectuer des changements profonds, mais qu’en sera-t-il des successeurs ?
Aucun des deux pays ne sait comment fonctionne la bureaucratie chez la contrepartie ce qui suscite des malentendus.
Durant les négociations secrètes du temps de Kissinger les réponses des deux côtés se faisaient tellement attendre que la contrepartie doutait de la sincérité de l’interlocuteur.
Quand la justice nord-américaine sous Carter hésitait pour accorder un visa d’entrée aux opposants politiques cubains, Castro l’interprétait comme une tentative de déstabiliser Cuba. Quand « Hermanos al Rescate », organisation de cubains ayant fui le pays, effectuait des vols clandestins au-dessus du territoire de l’île, Castro estimait que ce n’était pas l’effet d’une bureaucratie en échec mais comme une mauvaise volonté politique.
Dans l’autre sens également Washington n’était pas capable d’interpréter correctement les signaux venant de Cuba.
Durant les longues négociations secrètes sous Carter Cuba refusait toute négociation au sujet d’ub retrait de ses troupes en Angola.
Mais en même temps La Havane admettait sa volonté de collaborer avec les États-Unis pour une solution diplomatique qui permettrait de mettre fin à la présence militaire.
Brzezinski n’a pas retenu le signal et cela a coûté beaucoup d’efforts pour convaincre Reagan. Après les deux pays ont collaboré à un accord de paix en Afrique du Sud. Plus tard La Havane proposait à Reagan et Bush une proposition de paix pour l’Amérique Centrale. Mais quand finalement l’administration Bush prenait au sérieux cette proposition, la création de Radio Martí a tropillé la bonne volonté cubaine.
Cuba veut être traité en égal, dans le respect de la souveraineté nationale.
Cuba refuse d’accepter que pour de grands pouvoirs, particulièrement celui des États-Unis, seraient soumis à d’autres règles en politique internationale que celles admises pour les autres pays. Les États-Unis, eux, se laissent guider par le droit de faire ce que demande la realpolitik. Ce droit auto-attribué joue certainement en défaveur de Cuba. En 1978 Castro l’ a exprimé à un diplomate nord-américain : « Probablement parce que les États-unis sont un grand pouvoir le pays estime qu’il peut faire ce qu’il veut. Je suis peut-être un idéaliste, mais je ne reconnaîtrai jamais la position privilégiée des États-Unis ».
Raúl Castro a proposé à plusieurs reprises des négociations aux États-Unis avec comme unique condition que les conversations se déroulent « dans un esprit d’égalité, de réciprocité et du plus grand respect mutuel ».
Mais ceci parait insurmontable pour les États-Unis. Comme si l’ancienne conviction que Cuba fait partie de la sphère d’influence des États-Unis prévalait toujours. Mais combien de temps les deux pays peuvent ils vivre côte à côte de cette façon hostile ? D’autant plus que les deux pays s’interpénètrent de plus en plus, comme le démontrent les liens culturels, financiers et familiaux des Cubains dans les deux pays.
Source :
William M. LeoGrande & Peter Kornbluh – Back Channel to Cuba. The hidden history of negotiations between Washington and Havana. 2014, The University of North Carolina Press
William M. LeoGrande & Peter Kornbluh – Diplomacia encubierta con Cuba, 2015, Fondo de Cultura Económica, Mexico
POUR LA PREMIERE FOIS DEPUIS 1959 CUBA JOUE AU BASE-BALL CONTRE LES ETATS-UNIS A MIAMI.
Janet Post
Le 19 mars, pour la première fois depuis la révolution de 1959, une équipe de base-ball qui représentait Cubaa joué à Miami. Ils ont joué la demi-finale du World Base-ball Classic contre les États-Unis. L’équipe cubaine a joué dignement malgré les provocations répétées par des petits groupes de droite dans le publiques qui cherchaient la bagarre et n’étaient pas retenus par les autorités locales. Les perturbateurs étaient d’autant plus fâchés parce que, encore une primeur, cinq des joueurs de l’équipe cubaine « Team Asere » (L’équipe des frères) étaient des joueurs actuels ou passés de la grande compétition Américaine (Major League) avec quelques joueurs de clubs américains moins renommés.
A Cuba la révolution socialiste a élargi l’accès des travailleurs à l’art, la culture et le sport. Contrairement aux États-Unis où les joueurs vedettes peuvent gagner des millions de dollar par an, à Cuba le sport n’est pas un business lucratif et les joueurs prestent pour la reconnaissance et par amour du sport. Mes les clubs sportifs capitalistes aux États-Unis, qui veulent augmenter leurs gains, tentent sans arrêt d’attirer des athlètes cubains aux États-Unis, avec l’appât de grands salaires.
Le plus grand groupe de Cubains résidents aux États-Unis habite à Miami et la compétition était organisée dans un stade construit à la place de l’ancien Orange Bowl dans « Little Havana ».
Le Los Angeles Time a été obligé d’admettre que le public soutenait plutôt l’équipe cubaine. « Les fans chantaient très fort l’hymne cubain lors des introductions et après le match. Les applaudissements éclataient à chaque coup des Cubains ».
Excités par Francis Suarez, le bourgmestre de Miami, et quelques politiciens locaux, les opposants de la révolution cubaine essayaient de désorienter l’équipe cubaine et de perturber le, match.
Une centaine de manifestants qui se nommaient « La rencontre de l’opposition » étaient réunis devant le stade avec des banderoles taxant les joueurs de « traîtres de leur peuple ».
Dans le stade les contre-révolutionnaires insultaient les joueurs cubains dans le du out ou la zone d’échauffement. Ils les traitaient « d’assassins ». Le Miami Herald publie : « Une vidéo est apparue d’un groupe jeune spectateurs jetant de la bière et des récipients vers les fonctionnaires de la délégation cubaine ».
Dans une déclaration du 24 mars le ministère des affaires étrangères de Cuba (MINREX) a donné une image précise des harcèlements. « Des objets ont été jetés vers les joueurs et leurs familles, parmi lesquelles des femmes, des enfants et des personnes âgées, et vers les membres de la délégation cubaine et des journalistes cubains, et vers les supporters de l’équipe cubaine ». Quand ces attaques ont été signalées à la police du stade « aucune action n’a été prise contre les contrevenants » et « aucun effort n’a été fait pour faire respecter les règles du stade au sujet du maintien de l’ordre et de la bonne conduite ».
A trois reprises des manifestants de droite se sont rués sur le stade, furent arrêtés pour perturbation de la paix, mais immédiatement libérés sous caution. Un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères des États-Unis a déclaré à l’agence de presse Reuters que les États-Unis soutenaient « la liberté d’expression libre ».
A cause des sanctions qui font partie de la politique économique et de guerre contre Cuba depuis plus de 60 ans le gouvernement cubain devait obtenir l’autorisation spéciale de Washington pour intégrer les joueurs cubains résidents aux États-Unis. Cuba avait invité des joueurs ayant quitté Cuba avec ou sans visa à faire partie de l’équipe, mais n’avait pas invité des joueurs qui avaient quitté l’équipe nationale cubaine lors de matchs à l’étranger.
Les joueurs intégrés dans le Ream Asere et venant de la Major League étaient Yoán Moncada et Luis Robert jr., de Chicago White Sox Roenis Elias et de Chicago Cubs Yoenis Céspedes qui avait joué pour les New York Meds pour la dernière fois en 2020, et Erisbel Arruebarrena ex-joueur de Los Angeles Dodger et qui habita actuellement Cuba.
Ils ont été rejoints par Andy Ibáñ de Toledo Mud Hens, Miguel Romero de Las Vegas Aviators et Ronald Bolaños de Obama Storm Chasers.
La composition de cette équipe et la réaction positive des fans à Miami reflètent l’opposition aux sanctions nord-américaines contre Cuba. Moncada a déclaré à la presse « qu’il était plein d’espoir que ceci était un premier pas pour les joueurs cubains de la Major League pour représenter leur pays dans de futurs tournois ».
Cuba a perdu le match contre les États-Unis par 14-2.
Le comportement de l’équipe américaine était respectueuse et conforme à l’esprit sportif a communiqué le ministère cubain. « Leur victoire était méritée ». Mais « l’équipe cubaine ne participait sur le même pied à l’événement » rappelle la déclaration, en mentionnant « les différentes actions d’hostilité » et « les actes directs d’agression, de menaces, de langage ordurier et insultant ».
Lors de leur retour à Cuba le 20 mars les joueurs cubain étaient applaudis par des milliers de personnes dans les rues de La Havane et lors de la cérémonie officielle au Coliseum du « Village des sports ».
Les joueurs de l’équipe cubaine résidents aux États-Unis ont reçu la permission du gouvernement américain de voyager à Cuba avec leurs équipiers après la rencontre : c’était une condition ferme posée avant leur incorporation dans l’équipe.
Miguel Díaz-Canel a accueilli l’équipe à l’aéroport international José Martí. « Vous avez affronté des adversaires puissants avec dignité, au milieu d’une animosité énorme excité par des gens haineux qui voulaient dénaturer l’événement sportif de façon grotesque et inconvenante » a-t-il déclaré aux joueurs.
Le ministère des affaires étrangères a déclaré que le pays attend les World Baseball Classics de 2026 : « Cuba n’a pas l’intention d’abandonner son droit de jouer sur le territoire des ´Zetats-Unis à condition égales ».
Article repris de la revue « The Militant » du 14 avril 2023 : themilitant.com/issues/vol-87-no-16.
Traduction Freddy Tack
IN MEMORIAM
Michel Vanhoorne, Ostende 04/10/1935 – Gand 16/03/2023.
Michel Vanhoorne a obtenu son diplôme de médecin en 1961 à la RUG (Université de Gand). Il refuse le service militaire et opte pour un service de volontariat en Afrique, où il séjournera un an.
A son retour il suit un cours de médecine du travail et devient professeur à la RUG. Il preste deux demi jours par semaine comme médecin du travail chez ACEC. En 1968, en tant que chef du département Hygiène et médecine sociale, il obtient le prix « Santé et Entreprise ». Comme professeur en médecine du travail Michel a séjourné plusieurs fois à Cuba pour y étudier le fonctionnement des services cubains de prévention et de santé sur les lieux de travail avec des résultats très positifs, et gratuits pour les patients.
Une fois professeur émérite de la RUG, après des années de militantisme au Parti Communiste, Michel va s’engager à fond comme fondateur, coordinateur et porte parole de LEF/FGE (Links Ecologisch Forum – Forum de Gauche Écologique). Son engagement pour une politique sociale et économique juste, pour une médecine préventive, pour les droits des femmes, pour un monde sans armes nucléaires, pour le climat, pour la biodiversité, dessinent sa vie publique et personnelle. Sa longue expérience lui avait appris de chercher des liens entre tous ces thèmes, d’en parler avec les gens, de participer aux rencontres sur ces sujets.
Comme membre des Amis de Cuba Michel était actif dans la régionale de Gand à laquelle il va insuffler une nouvelle vie et dont il a été président durant plusieurs années. Michel était aussi membre du conseil d’administration national et en a été durant 4 ans le vice-président (2003-2007) avec Mark Lamotte comme président. Grand ami de Cuba il c’est engagé pour l’aide à Cuba dans la région de Gand. C’était quelqu’un sur lequel on pouvait compter en silence.
Dans le message de deuil LEF/FGE déclare que Michel était pour eux un symbole : pétillant, fort et haut en couleurs. Avec eux nous disons : il va nous manquer notre Michel.
Freddy Tack