Cuba Si 224 – Traduction
CUBA N’ A PAS BESOIN D’ INGÉRENCE POUR GARANTIR LES DROITS HUMAINS.
Wim Leysens
Les droits humains à Cuba, un thème sensible et controversé. En avril 2024 j’ai eu, à ce sujet, une conversation avec un professeur cubain en droit international. Je ne mentionne pas le nom car il s’agit d’une conversation informelle sans accord pour un article éventuel.
Les droits humains, ancrés dans la constitution cubaine sont manipulés dans la politique internationale.
Cuba a opté pour « une démocratie socialiste basée sur la justice et l’égalité sociale, sur la pleine jouissance des droits humains, sur la participation de la société à l’évolution économique et sociale vers un socialisme prospère, démocratique et durable ». Dans l’article 41 de la nouvelle constitution de 2019 l’ état cubain reconnaît et garanti « la jouissance irrévocable, intouchable, indivisible, universelle et liée dans l’application des droits humains, en concordance des principes de progressivité, d’égalité et de non-discrimination. » Mais malgré ces objectifs humanistes Cuba est attaqué sur ce point. Des forces anti-cubaines aux États-Unis et également au parlement européen profitent de chaque occasion pour accuser Cuba de violation du droit à la libre expression ou d’organisation. L’autorité cubaine réagit à chaque attaque de façon très défensive, car ces critiques s’insèrent dans une tentative consciente de discréditer l’autorité cubaine.
L’ Occident à une vue unilatérale au sujet des droits humains.
Normalement on fait une différence entre plusieurs générations de droits humains : les droits civiques et les droits politiques (le droit de libre expression et d’organisation), les droits économiques, sociaux et culturels (droit à l’alimentation, au logement, à l’enseignement, aux soins de santé) et les droits collectifs (droit à l’autodétermination d’une population ou d’un pays).
L’Europe et les États-Unis mettent surtout l’accent sur les droits individuels comme la liberté d’expression, le droit à l’organisation, etc. Au travers de ces lunettes ils scrutent les autres pays et lient la collaboration avec d’autres pays à cette catégorie de droits humains. Pour Cuba toutes les générations des droits humains forment un ensemble indivisible et ont tous la même imprtance.
Cuba investit dans les droits collectifs.
Les droits individuels, comme la liberté d’expression, sont les plus faciles à réaliser car ils n’exigent qu’une attitude passive de l’autorité. Par contre un pays qui veut qui veut garantir le droit à l’enseignement et à la santé pour toute sa population doit consentir de grands efforts et investissements. Et Cuba l’a fait depuis la révolution de 1959 à ce jour. Aujourd’hui la qualité de l’enseignement et de la santé sont sous pression à cause de la grave crise économique. Malgré cela Cuba assure dans ce domaine une prestation grandiose avec l’accès gratuit à l’enseignement et aux soins de santé, à la culture et aux sport, malgré les circonstances difficiles.
Garantir les droits humains est un travail continu.
Avec la nouvelle constitution, approuvée en 2019, Cuba fait de grands pas dans le domaine des droits humains. La constitution reconnaît entre autres le droit aux manifestations. Mais un article de la constitution doit encore être traduit en lois et en décrets d’application.
Dans ce domaine le Dr. Yuri Pérez Martínez, professeur de droit à la Faculté de Droit de l’Université de La Havane, déclarait lors d’un congrès en 2022 : « Pour les jours à venir nous devons faire face au défi d’approfondir l’état de droit socialiste et de l’améliorer en permanence avec la justice sociale, démocratique, indépendante et souveraine, organisée pour chacun et pour le bien être de tous ; pour cela il faudra vaincre nos imperfections et créer toutes les conditions pour atteindre la dignité de l’être humain, mais sans intervention ou ingérence de quelque sorte ».
Il est clair que Cuba n’a pas l’habitude de traiter des groupes de citoyens qui se manifestent en rue. Ni les citoyens, ni la police, ni les autorités locales ou le gouvernement n’ont beaucoup d’expérience dans ce domaine. Ceci explique pourquoi des deux côtés, manifestants et autorité, ont parfois des réactions extrêmes. Cuba doit encore apprendre à traiter avec des citoyens qui manifestent et expriment leur mécontentement ou exigent certains droits. La majorité des gens qui sont descendus en rue à Santiago de Cuba ou à Bayamo le 17 mars 2024, en avaient marre des nombreuses coupures de courant électrique. L’autorité doit apprendre à écouter ces gens et ne pas y voir immédiatement une manoeuvre politique pour déstabiliser le gouvernement.
L’opposition politique manipule le mécontentement.
C’est un exercice d’équilibriste car on ne peut ignorer que l’opposition politique est prête pour attiser toute manifestation de mécontentement et de l’amplifier. Les États-Unis investissent des millions de dollars pour payer des opposants en Floride mais aussi à Cuba pour discréditer et attaquer le gouvernement cubain. Les résolutions récentes du Parlement Européen -la dernière le 29/02/2024- au sujet de Cuba viennent essentiellement des partis d’extrême droite. Μ
Ce serait un grand soulagement si une manifestation à Cuba ne serait plus un sujet des médias internationaux, comme le sont de nombreuses manifestations à Bruxelles. Cela donnerait plus d’espace à l’autorité cubaine pour réagir calmement aux manifestations. Il est d’ailleurs prouvé que des pressions étrangères et des sanctions ne fonctionnent pas et ont d’ailleurs des effets contraires. Les sanctions poussent l’autorité visée à une attitude défensive, qui durcit sa gestion.
Le cadre juridique international garantit les droits humains.
Au niveau international existent plusieurs structures qui traitent des droits humains. La Déclaration Universelle des Droits Humains à une grande valeur morale, mais n’est pas un document contraignant. Après la IIe Guerre Mondiale une série de traités internationaux sur les droits humains ont été approuvés. L’application de ces conventions se fait en deux étapes. Les pays qui signent un traité s’engagent à en étudier l’application, mais sans aucune promesse. Les pays qui ratifient également une convention s’engagent à la respecter via leur juridiction nationale et à l’appliquer.
Cuba a signé dix instruments juridiques des Nations Unies et en a ratifié huit, des 14 instruments au sujet des droits humains. Les deux traités que Cuba a déjà signé en 2008 mais pas encore ratifié sont le Traité International sur les Droits Civils et les Droits Politiques (CCPR), et le Traité International sur les Droits Économiques, Sociaux et Culturels (CESCER). Comme déjà signalé la nouvelle constitution de Cuba est un sérieux pas en avant, mais plusieurs anciennes lois doivent encore être mises en accord la constitution.
Cuba se trouve ici devant un dilemme, ou plutôt devant un choc entre valeurs et visions. La liberté d’expression et d’organisation se heurte au modèle socialiste de l’état. Mettons que Cuba autorise une parti politique des PME (Mipymes) qui défend le libre commerce et la privatisation totale de l’économie. Ceci sonnerait la fin du modèle du modèle socialiste où l’économie est en fonction de l’intérêt public et non en fonction des bénéfices des investisseurs.
Qu’un pays défende son modèle d’état choisi librement n’est pas étrange. Les pays capitalistes le font aussi. L’Union Européenne a inclus dans son traité le libre commerce et la liberté d’entreprendre, ce qui rejette les entreprises publiques ou la nationalisation de secteurs clés, même de ressources clés comme l’eau, l’énergie et la santé.
Mais ce sont juste ces deux traités auxquels l’opposition se réfère pour attaquer l’autorité cubaine. Mais il ne faut pas rester aveugle devant les manoeuvres politiques derrière ces attaques. Les États-Unis qui se prétendent les défenseurs de la démocratie et des droits humains, n’ont ratifié que cinq traités et appartiennent au groupe de pays avec le moins de ratifications. Mais ils ne sont jamais attaqués à ce sujet par les partis de droite.
Sources :
° Díaz-Canel, 8vo. Congreso del Partido Comunista de Cuba.
° http://www.cubadebate.cu/opinion/2020/12/09/dialogos-en-torno-a-los-derechos-humanos/
°Naciones Unidas – Derechos Humanos Estado de Ratificación por Cuba.
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Interview : LUC DESCHEEMAKER : GRAND PRIX DE LA 1E BIENNALE D’HUMOUR POLITIQUE DE LA HAVANE.
Freddy Tack
Les couvertures de la presse cubaine et des médias digitaux étaient unanimes : un Belge, Luc Descheemaker est « Gran Premio » de la 1re Biennale d’Humour Politique à La Havane.
Luc Descheemaker (°1955) mieux connu sous le pseudonyme O-SEKOER, dessine depuis 1979 et a été couronné par plus de 380 prix dans des concours de dessins humoristiques. Ce n’est pas la première fois qu’il remporte des premiers prix dans des concours cubains, en 2023 il a reçu le Premier Prix de la XXIV Biennale de l’Humour Graphique.
Mi-juillet le jury de la 1re Biennale d’Humour Politique lui a décerné son « Grand Prix ». Le thème de la biennale était la lutte contre le néofascisme et l’approche ludique des conséquences de la globalisation. Le dessin « Iceberg » (voir avant-dernière page) a été couronné par le jury, présidé par le mondialement connu dessinateur cubain Ares, pour sa capacité de réflexion sur le néofascisme de façon synthétique, ingénieuse et combative : un iceberg qui ne montre qu’une toute petite partie de son vrai visage.
Cuba Sí : Vous participez annuellement à de nombreux concours internationaux, également à Cuba. Cette année vous avez obtenu le « Gran Premio » de la 1re Biennale d’Humour Politique de La Havane. Ce prix a été spécialement promu par le jury et a attiré l’intérêt d’une grande part de la presse cubaine. Comment un artiste Belge en arrive-t-il à participer à des concours à Cuba ?
Luc Descheemaker : Je suis les événements internationaux de dessins humoristiques depuis des années. Je participe à la moitié des nombreux festivals. Pour la biennale citée j’ai repris quelques-uns de mes dessins de mes cartons qui répondaient au thème proposé. Il y a quelques années j’avais déjà gagné un premier prix avec une de mes photos humoristiques. Mes dessins humoristiques ont une place dans tous les concours humoristique dans le monde.
CS : Que pensez-vous des dessinateurs Cubains ? Cuba est connu pour les rencontres et les concours en humour et dispose de nombreuses publications, sites web et blogs humoristiques. Est-ce que ces dessinateurs vous ont influencédans la vision des dures réalités de notre monde actuel ?
Luc : Il y a quelques années (2015) j’ai rencontré Ares à son exposition à Kruishoutem. Il m’a raconté qu’il suivait mes dessins depuis des années via le catalogue de Knokke-Heist. Ses dessins sont très puissants et j’ai une grande admiration pour son oeuvre.
CS : Cuba vit une période très complexe et difficile à cause du blocus par les États-Unis (depuis plus de 60 ans) et la reprise sur la liste des pays qui soutiennent soi-disant le terrorisme. Et pourtant les Cubains ont un sens de l’humourtrès marqué et peuvent rire de leurs problèmes quotidiens. Voyez vous l’humour comme une soupape de sécurité ou un remède ?
Luc : Non. Les dessins humoristiques sont une expression journalistique pour critiquer des phénomènes dans notre société et dans le monde.
CS : Si nous ne nous trompons pas vous n’avez jamais été à Cuba ? Avez-vous des projets pour aller sur place pour un concours ? Ou envie d’un voyage découverte de Cuba ? Si oui pourriez vous envisager de partager avec nous vos impressions et vos expériences ?
Luc : J’espère pouvoir être présent lors d’une des prochaines biennales à La Havane. A l’occasion je vous ferai part de mes expériences.
CS : Encore nos félicitations et un grand merci Luc.
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CUBA ET LE MONDE.
Regi Rotty
Ce n’est pas un secret que le monde est devenu moins sûr dans la mesure où nous commençons à le sentir ici en Europe également. La situation en Ukraine et au Moyen-Orient nous inquiète.
Comment se situe Cuba face à cette évolution ? En ce qui concerne l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie la réaction de Cuba a été la confirmation de l’acceptation du droit international soit une condamnation implicite de la Russie. Comme d’autre part il y a une compréhension pour la Russie à cause de l’extension illimitée de l’OTAN , et à cause des actes agressifs par les États-Unis contre Cuba, qui poussent Cuba dans le camp des adversaires des États-Unis, ceci c’est traduit par des par des abstentions lors des votes à l’ONU, et par la poursuite de la coopération avec la Fédération de Russie, par exemple dans le domaine du tourisme. A Varadero les panneaux d’information sont aujourd’hui en Espagnol, en Anglais et en Russe. Les livraisons de quantités limitées de pétrole à Cuba vont aussi partie des accords récents. Récemment, en juin, 4 navires de guerre russes, dont un sous-marin nucléaire, étaient en visite à la Havane, mais aucun de ces navires ne transportait des armes nucléaires et le Pentagone n’ a pas paniqué. Mais les États-Unis ont envoyé, en riposte, un sous-marin nucléaire à Cuba, dans la partie occupée illégalement de Guantánamo.
En ce qui concerne Israël et la Palestine, Cuba se trouve sans contexte dans le camp palestinien. En septembre 1973 Cuba annonçait la rupture des relations diplomatiques avec Israël. Cuba a maintenant rejoint la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël auprès du Tribunal International de Justice. Cela ne peut être plus clair. En novembre 2023 une grande manifestation de solidarité avec le peuple palestinien a été organisée à la Havane. Et n’oublions pas que Israël c’est déclaré ennemi de Cuba en votant, depuis plus de trente ans, contre la levée du blocus à L’ONU, comme unique pays au monde avec les États-Unis. L’année dernière 183 pays votaient contre le blocus et deux pour son maintien : les États-Unis et Israël. De ce vote nous pouvons déduire trois choses :
1.Les États-Unis et Israël ne croient pas en la démocratie, sauf quand ça les arrange.
2.Les États-Unis et Israël ne croient pas aux droits humains, sauf quand ça les arrange.
3.Les États-Unis et Israël ne croient pas au droit international, sauf quand ça les arrange.
Sachant ceci personne ne doit être étonné qu’un massacre de civils a lieu à Gaza. La menace d’Israël, qui dispose de près de 200 armes nucléaires qui peuvent être utilisées contre l’Iran, peut mener à une troisième guerre mondiale.
Reste la Chine, un peu plus éloignée mais pas négligeable. La Chine est une alliée de Cuba et peut jouer un rôle important pour Cuba. En ce moment il n’est pas très clair si à court terme assez d’aide viendra de la Chine pour soulager les pénuries les plus contraignantes pour la population cubaine. A Chine est également mise sous pression par les États-Unis avec des sanctions économiques et l’installation récente de militaires nord-américains à Taïwan, proche des côtes chinoises. Ceci malgré le fait que les États-Unis ne reconnaissent pas Taïwan en tant que pays, mais bien la République populaire de Chine. Là aussi un risque de guerre mondiale n’est pas à exclure.
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1952 : FIDEL CASTRO AIDE LES OUVRIERS AGRICOLES DANS LEUR LUTTE POUR LEUR SALAIRE.
Róger Calero
En début d’année la revue Militant recevait une lettre de Javier Perdomo. Il racontait l’histoire de ses grand-parents, ouvriers agricoles à Cuba avant la révolution de 1959 qui a renversé la dictature de Fulgencio Batista et mis au pouvoir un gouvernement d’ouvriers et de paysans.
La lettre venait d’une prison en Floride. Merdomo est un des millions de travailleurs piégés dans « l’énorme machine pour moudre les gens » qu’est le système juridique nord-américain. (Cette citation vient de Ramón Labañino, un des cinq révolutionnaires Cubains emprisonné seize ans aux États-Unis parce que ils surveillaient des groupes contre-révolutionnaires qui réalisaient des attaques contre Cuba à partir de la Floride.
« Je suis heureux qu’un numéro du Militant est tombé dans mes mains. On y parlait de Che, de Fidel et de la calsse ouvrière », écrit Perdomo. Le genre de commentaire que la revue socialiste reçoit régulièrement d’ouvriers emprisonnés, et sa lettre traitait plus loin de son grand-père, Paulino Perdomo Ramos.
Paulino Perdomo était un des trente ouvriers agricoles de la ferme Ácana dans la province de Matanzas, que Fidel Castro, alors jeune avocat, représentait dans une lutte pour des salaires non payés.
« Un jour mon grand-père et ses collègues se sont réveillés parce que des propriétaires terriens corrompus, habitués à vivre de la sueur des autres au moyen de chantage et de fraude, avaient fermé leur coffre fort et refusaient de payer plus de six mois de salaire dus. » écrit Javier.
Après de nombreuses plaintes chez les autorités et des discussions avec les patrons les ouvriers reçoivent la visite, le 27 décembre 1952, d’un avocat de La Havane qui leur proposait de l’aide. « Nous avions peur que c’était une manoeuvre du propriétaire et du gestionnaire » raconte Paulino Perdomo à son petit-fils Javier.
« Je voudrais un endroit où nous pouvons nous réunir avec les ouvriers », déclare Fidel au grand-père de Javier. « J’ai été au syndicat qui refusa l’utilisation de la salle, et puis je me suis adressé à la maison communale qui refusa elle aussi ». La conversation est reprise dans le livre « Fidel Castro ; de Birán a Cinco Palmas », édité par Verde Olivo, la maison d’édition des Forces Armées Révolutionnaires (FAR) en 1997.
Paulino Perdomo est cité dans le livre : « Il roulait dans une vieille voiture, à laquelle ma,quait même une portière ». Quatre jours plus tard « nous avons reçu nos chèques en présence de Fidel ». Les ouvriers voulaient lui remettre quelques pesos pour payer l’essence en remerciement, mais même cela il le refusa, « il nous avait raconté qu’il ne nous demanderait pas un centavo ».
Aucune révolution ne gagne sans combattre.
L’intervention de Castro au nom des ouvriers de Acana se déroulait durant la même période où il rassemblait les 160 combattants qui, six mois plus tard, le 26 juillet 1953, entamaient une révolte avec l’attaque de la caserne Moncada à Santiago de Cuba et la garnison Céspedes à Bayamo. Cette action marquait le début de la lutte révolutionnaire contre Batista.
Déjà longtemps avant l’assaut de la Moncada Castro était convaincu qu’une transformation révolutionnaire à Cuba n’était possible que par une révolte de masse des travailleurs.
« Je ne connaissais pas ses opinions politiques », écrivait Paulino Perdomo. « Nous n’avions même jamais vu son ombre. Quand nous avons reçu les chèques Castro a dit que si jamais nous gagnerions il y aurait une réforme agraire. Imaginez-vous, en ce moment, qui aurait envisagé que cela se réaliserait ».
Plus tard Paulino Perdomo racontait à son petit-fils, pendant qu’ils péchaient : « Après nous nous sommes rencontrés chez moi pour parler de la haine que nous portions contre les propriétaires terriens injustes et d’un changement en faveur de la classe ouvrière ».
Javier Perdomo se souvient : « Après à peine 20 minutes du lancement de sa ligne de pèche j’attendais s’il attraperait quelque chose avant que je ne lance la mienne. »
« Pourquoi n’a tu pas lancé tes hameçons dans l’eau » demanda Paulino.
Parce que tes flotteurs ne bougent pas et je commence à m’ennuyer. » répondit le jeune Perdomo.
Son grand-père répondit : « Si Fidel s’était ennuyé avant la Moncada et aurait attendu des autres pour faire la révolution nous vivrions toujours sous le capitalisme. Aucune révolution ne peut vaincre sans combat, tout comme aucun hameçon n’attrapera un poisson s’il n’est pas dans l’eau. »
Source : article traduit du The Militant du 19 août 2024 : themilitant.com/issues/vol-88-no-31.
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LA BOXE : VAISSEAU AMIRAL DU SPORT CUBAIN.
Gunnar Vergauwen
Dans le numéro précédent de Cuba Sí (avril 2024) le malaise général des tendances actuelles du sport cubain était au centre de l’attention de la belle île des Caraïbes. Il est dès lors logique que le vaisseau amiral de l’histoire du sport cubain, el boxeo, n’arrive pas à se détacher de la prise de la pénible situation socio-économique en cours depuis l’apparition du Covid-19.
Vu la limitation à sept catégories de poids seulement cinq boxeurs se sont présentés au ring de Paris. Pour un pays comme Cuba, qui a dominé ce sport iconique ce dernier demi siècle, avec les États-Unis, on peut parlerd’une petite honte.
Car la plus grande île des Caraïbes c’est construit une formidable réputation avec des boxeurs amateurs, élégants mais efficaces et sans pitié. De quoi décourager les adversaires qu’ils doivent entamer la rencontre avec un combattant cubain.
La réputation d’une quasi invincibilité n’est pas tombée du ciel. Avant la révolution la boxe à Cuba était orienté vers les besoins du circuit professionnel nord-américain néo-colonial. Des jeunes pauvres, et surtout des noirs, entraient dans le circuit professionnel et combattaient pour une survie, parfois pour la richesse, toujours sous le contrôle de commerçants maffieux, connu à l’époque pour la sensationnelle et sanglante boxe de cette époque. Parmi les fondateurs de la saga de la boxe cubaine on se souvient du fameux Gerardo « Kid Gavilan » Gonzalez et du grand pugiliste des années trente Eligio Sardinas Montalvo, mieux connu en tant que « Kid Chocolate ».
Avec la révolte populaire et finalement la victoire révolutionnaire sur le régime dictatorial néo-colonial (1 janvier 1959) une nouvelle époque s’ouvre également pour la boxe. Tout professionnalisme est banni des sports (1961) et les pugilistes qui ne s’y adaptent pas partent aux États-Unis. Au sein du programme d’émancipation et d’élévation populaire la nouvelle gestion révolutionnaire réussit, en collaboration avec les pays de l’Est amis, à accéder en moins d’une décennie au « deuxième monde » en vogue : plus de choléra ou de typhus à Cuba, plus de famine et de pauvreté, plus d’exclusion sociale ni manque d’opportunité de carrières pour ceux qui vivaient auparavant une existence misérable dans les villes ou à la campagne. Dans le domaine sportif ceci se traduisit en un système sportif dans toutes les provinces, lié à l’enseignement de qualité pour chaque enfant. Des entraîneurs de boxe de qualité se mettent au travail avec surtout des « diamants noirs » présents à Cuba, qu’il fallait seulement défricher et polir. La gestion des sports était dès le début basée sur deux piliers humanistes :
1.Associer la totalité de la population aux événements sportifs sous le slogan « mens sana in corpore sano », et
2.Une approche scientifique du sport, de l’éducation physique et de la récréation.
En ce qui concerne notre sujet spécifique les débuts modestes construisent sur base des connaissances du passé, rapidement comblés et enrichis par les techniques et l’école tactique de l’ Europe de l’Est. Une nouvelle philosophie de la boxe qui tendait vers la boxe amateurs avec des règles strictes en vue de victoires olympiques, Rapidement la boîte à malices du camp soviétique se joint merveilleusement aux pugilistes cubains souples, très rapides, résistants et attaquants.
Dans cette histoire il faut souligner le rôle essentiel d’Alcides Sagarra, entraîneur de boxe, toujours en vie, appelé respectueusement « El Maestro » qui fonde au début des années soixante l’Institut de Boxe » cubain. Sous sa direction la délégation de boxe cubaine aux Jeux Olympiques du Mexique (1968) obtient ses premières médailles (deux en argent). Avec l’aide et l’expertise de Andrej Konstantinovitch Tsjervonenko, célèbre coach soviétique, aux Jeux de Munich un saut qualitatif se produit avec pas moins de trois médailles en or. Et c’est lors de ces jeux que Teofilio Stevenson -peut être le plus grand boxeur amateur de tous les temps- monte sur le podium. A partir de cette Olympiade les de 1972 les jeunes de Sagarra vont marquer tous les championnats du monde,,lesz Jeux Pan Américains et les jeux Olympiques (malheureusement, pour des motifs politiques, Cuba n’a pas participé aux Jeux de Los Angeles(1984) et de Séoul (1988).
Mais passons à l’aspect purement sportif et technique du thème. Les Soviétiques avaient développé une tactique très efficace pour gagner le plus de points possibles pour des courtes rencontres de 3 x 3 minutes. Les programmes d’entraînement de Sagarra après le Mexique en ’68 et le style d’attaque soviétique partant d’une défense solide, étaient spécifiquement centrés sur la frustration de l’adversaire par des modèles très rapides et une régularité pour toucher l’adversaire le plus efficacement possible. Mais celui qui veut attaquer avec succès doit aussi se défendre au mieux, d’où le style mobile du boxeur de l’Est, toujours en mouvement, donnant des coups droits et des combinaisons courtes en évitant constamment l’adversaire et donc pas nécessairement avide de cet unique coup dévastateur.
L’idiosyncrasie du boxeur cubain était très compatible avec cette technique et réussit à mener le style du grand frère soviétique à ses limites extrêmes, avec l’ajout d’éléments propres car, comme en politique et en économie, le pays n’a jamais été un esclave suivant le grand frère soviétique. Celui qui étudie les boxeurs cubains constate qu’ils dansent -comme par naissance- sans arrêt, dans une sorte de danse avec l’adversaire, finalement plus un jeu de chat et souris. A mon avis ce style cubain me semble le mieux réussi par Julio Cesar de la Cruz, champion olympique à Rio de Janeiro et à Tokyo en mi-lourds. La façon dont ce chat humain, surnommé à juste titre La Sombra (l’ombre) qui évite souplement l’adversaire et frappe avec succès, jouant et dominant à la fois. Une caresse pour l’oeuil qui réalise à mes yeux le surnom de la boxe « L’art de la self défense ».
Venons en aux principales caractéristiques de la philosophie de la boxe cubaine. Il y a en premier lieu le point de l’hyper mobilité. Sur le ring le boxeur cubain semble à l’aise, détendu, sous contrôle : il danse autour de son adversaire, il a toujours un jeu de jambes gracieux. Puis l’accent est mis sur la défense, l’attention extrême pour encadrer la puissance d’attaque de l’adversaire : déjà avant la puberté le petit boxeur cubain apprend au moins pendant deux ans le contrôle du corps et les techniques évasives de boxe, afin d’éviter au maximum les dégâts de son corps et de faire bouger ce corps souverainement et fièrement sur le ring. Si le boxeur ne domine pas cet aspect crucial du combat il ne pourra pas passer au réel travail de « sparring ». En troisième place il faut s’accentuer sur la souplesse de la contre-attaque, le perfectionnement du contre coup. Le boxeur cubain n’est pas une brute sur le ring, mais un tacticien subtil qui réussit avec un timing minutieux de dérégler l’attaque de l’adversaire et gagner des points avec les contre attaques ultra rapides.
Tout ceci démontre, quatrièmement que le pugiliste cubain peut être nommé boxeur complet, qui peut affronter n’importe quel type d’adversaire sur le ring par sa position souveraine. Il n’y que peu de gaspillage dans ses prestations, pas de coups inutiles, ce qui rend son combat beau à voir pour un connaisseur. Par sa technique excellente et sa préparation tactique il réussit en général de contrer les points forts de son adversaire et d’exploiter ses points faibles. En comparaison avec un Roger Federer dans son sport, le tennis, le boxeur cubain domine l’ensemble du combat.
En cinquième lieu, tous les beaux aspects ne peuvent se réaliser que par de durs entraînements physiques, la qualité des entraîneurs et la base scientifique et la grande attention pour l’aspect mental de ce sport exigeant physiquement. Le modèle sportif cubain prouve que l’infrastructure raffinée du soi-disant « premier monde » n’est pas nécessaire pour atteindre des résultats équivalents. Lors d’une visite de boxeurs de Leningrad en 1976, pour un tournoi de boxe, ils s’étonnèrent de fait que cela semblait normal de faire de l’échauffement sous un soleil impitoyable ainsi que parfois de la vétusté de l’infrastructure sportive. « Mais », ajouta un des leurs, « l’organisation des matchs était réglée dans les moindres détails et toute l’atmosphère des rencontres était relax et l’enthousiasme tant des boxeurs que du public en faisait une grande fête. » Ou comment la joie de vivre cubaine se traduit aussi dans les événements sportifs.
Finalement il faut mentionner l’aspect important de la sportivité. Car ne faudrait-il pas réduire le sport à ce principe essentiel qui devrait être suivi comme seul critère pour la combativité des athlètes de tous les pays et toutes les disciplines ? Chez les boxeurs cubains cet aspect philosophique crucial se trouve dans la dominance de l’esprit, l’élimination des émotions lors des séances d’entraînement et des compétitions. Dans un sport aux règles strictes le boxeur cubain garde son sang-froid, combat durement mais très sportivement, avec du respect pour l’adversaire, entièrement dominé par l’esprit olympique.
Lors de la dernière décennie la boxe cubaine a connu une mutation importante.
Il y a tout d’abord une prise de distance par rapport à la tradition d’amateurisme : en 2013 la Fédération Cubaine de Boxe a décidé, sous le nom de « Domadores » de participer aux structures créées en 2010 de l’Association Mondiale de Boxe Amateur , les World Series of Boxing, une compétition semi-professionnelle de rencontres de 5 x 3 minutes et des primes pour les prestations individuelles et d’équipe. Les Domadores cubains ont gagné cette compétition en 2018 à trois reprises et terminèrent deux fois à la deuxième place. Après l’épidémie de Covid-19 et les JO de Tokyo (2021) cette nouvelle tradition a repris. Il y a aussi une modification par le Comité Olympique International de l’arbitrage des matchs amateurs. Des types de boxeurs agressifs sont avantagés dans le nouveau système d’attribution de points, ce qui a constitué un défi énorme pour l’école de boxe cubaine. Le célèbre style élégant « estilo cubano » est sous pression maintenant qu’on célèbre le style direct et violent des boxeurs Ouzbecqs et Casaques. L’attrait de la boxe à la cubaine risque ainsi de disparaître de plus en plus des tournois même si l’équipe cubaine a encore des compétiteurs de style comme La Cruz qui maintient la grande tradition en vie.
Nos remerciements à Jo De Vrieze, entraîneur Belge de boxe à Cuba pour avoir partagé ses informations.
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CUBA AUX JEUX OLYMPIQUES DE PARIS 2024.
Gunnar Vergauwen
Les Jeux olympiques de Paris sont derrière nous. La délégation cubaine c’est montrée en verve dans différents domaines et est retournée droite aux Caraïbes. Dans les bagages neuf médailles, 2 en or, 1 en argent et 6 en bronze, dans quatre disciplines, ce qui a situé le pays à la 32e place au classement final. Les autorités sportives avaient visé plus haut, le top vingt, ce qui c’est avéré irréaliste. Pour cela la délégation était trop peu nombreuse et tout aurait du tourner à merveille. Le miracle ne c’est pas réalisé et pourtant Cuba a écrit une nouvelle page d’or dans le livre olympique, même avec un résultat plus faible. Mijain Lopez, le, porte drapeau et poids lourd de presque 42 ans a remporté sa cinquième médaille d’or consécutive dans la lutte gréco-romaine, un fait inédit pour le géant charismatique de Pinar del Rio, qui dépasse des héros olympiques comme Phelps et Oerter.
L’autre médaille d’or était réservée pour le boxeur Erislandy Alvarez, qui dans un combat sanglant a réussi à vaincre le combattant français maison. Arlen Lopez, deux fois champion olympique, a remporté le bronze. Ce qui représente le bilan de la renommée délégation cubaine de boxe. Cuba a gagné d’autres médailles dans le canotage, le teakwondo et encore la lutte qui, avec cinq médailles est devenu le secteur d’excellence cubain et qui a remporté deux médailles chez les femmes.
Quelques remarques pour clôturer les Jeux Olympiques de Cuba.
1.Depuis les derniers jeux Cuba a vu émigrer une centaine de sportifs de haut niveau. Le prouve la montée sur le podium de sept sportifs individuels formés à Cuba. Le combat légendaire de Mijain Lopez contre l’ours de Matanzas en compétition pour le Chili, et le, podium exclusivement cubain en saut avec Jordan et Andy Diaz et Picharro en témoignent. Il faut encore citer la huitième médaille pour Leon de Santiago de Cuba qui a obtenu l’argent avec les joueurs de volley polonais. Si on ajoute ces sept médailles aux neuf gagnées par Cuba le pays n’aurait pas été loin du top 20.
2.De tous les pays hispanophones d’Amérique Centrale et d’Amérique du Sud Cuba a comme auparavant obtenu le plus grand nombre de médailles.
3.Moins positif : les signaux venant du Comité Olympique International qui envisage de supprimer la boxe et la lutte des prochains jeux, justement des sports où Cuba excelle.
Il faut voir comment le mouvement olympique cubain va s’orienter pour le prochain cycle de Jeux Olympiques. Une chose est certaine : le moindre résultat de Paris est essentiellement dû à la crise qui frappe toute la société cubaine. Un résultat au sommet semblait vraiment utopique. Et pourtant le petit Cuba a une fois de plus écrit l’histoire olympique.